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3*2 M. DE MIRECOURT. cette comédienne qui pousse l'intérêt tendre jusqu'à faire apostasier ses amants à l'agonie. Veut-on d'ailleurs un échantillon de la singulière morale de M. de Mirecourt : « M,le Brohan, dit-il, sauve les situations « exceptionnelles par une dignité de conduite qui permet au « moraliste le plus rigide de fermer les yeux et de ne rien « voir. » (Brohan, 70). C'est probablement comme spécimen de cette dignité de conduite que le biographe raconte l'anecdote suivante : M1'0 Brohan se trouvait dans une situation exceptionnelle. « Quel est le père? lui demande un impertinent de ses amis; « Mon Dieu , je l'ignore absolument, dit-elle, j'ai la vue si « basse ! » (Id. 30). Il est évident que le moraliste le plus rigide peut fermer les yeux après une aussi digne réponse. Cette âme de chrétienne écrit ce qui suit : « Le rôle de « maîtresse est en général blessant, mais enfin, comme il « réserve intacte la chère et indispensable liberté, il faut « bien, parfois, s'y résoudre. » (Id. 42). Le parfois est d'une naïveté délicieuse. Au reste, M. de Mirecourt donne son der- nier mot en fait de morale : « M"6 Brohan, dit-il, ne s'écarte jamais de « la décence extérieure. » (Id. 90). Ce mot peint l'homme. La biographie de Rose-Chéri peut concourir pour le prix Monthyon, l'actrice est canonisée toute vivante. « Sincère- « ment pieuse, elle assiste le dimanche aux offices de sa « paroisse et remplit tous ses devoirs religieux sans respect « humain , sans fausse honte : elle a toutes les vertus de la « chrétienne. » (Rose-Chéri, 96). Amen ! avec Augustine Brohan voilà une paire de chré- tiennes ; le théâtre va devenir une succursale du couvent. C'est en vérité un amalgame nauséabond que celui de la sa- cristie et des coulisses. N'en déplaise à M. de Mirecourt, une chrétienne , une femme sincèrement pieuse, qui assiste aux