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78 BIBLIOGRAPHIE. Quel genre d'écrire remplacerait l'apologue? Les gros livres de morale ennuyent, ils ne sont qu'à l'usage d'un très- petit nombre d'hommes, tout le monde au contraire lit une fable, y prend plaisir et souvent en profite. L'art, le bon goût, la morale, gagneront donc toujours à ce que la suc- cession des fabulistes ne s'interrompe point malgré l'espèce de dépréciation qu'a subie la fable dans ces temps derniers ; mais ne serait-ce point la l'ouvrage de l'amour propre qui, désespérant de pouvoir lutter avec un génie inimitable, se coupe les aîles qui lui permettraient du moins de s'élever bien près de l'éternelle vérité ? On a tant répété que la fable était morte, que beaucoup d'esprits superficiels l'ont cru et regarderaient un fabuliste comme un fou qui cherche à rani- mer une cendre éteinte. Heureusement ce qui est bon et beau ne saurait périr; le feu sacré, religieusement conservé par un culte intime, rayonne, par intervalles, de flammes toujours vives et pures. La multitude qui ne croit qu'à ses instincts, qu'à son intuition, a gardé son goût et son amour pour l'apologue, et le fabuliste qui s'avançait d'abord indécis et timide, s'aperçoit bientôt que le cœur de l'homme, mal- gré le progrès des âges, est toujours l'enfant de la nature, amoureux des songes et du merveilleux C'est cette découverte qui nous vaut, sans doute, ce char- mant livre d'apologues (1), tout imprégné d'une douce odeur de vertus, de paix et de philosophie. A coup sûr ce livre là n'enterrera pas la fable, il lui donnerait plutôt de nouvelles ailes, plus larges et plus puissantes. Son auteur, homme d'esprit et de jugement, ne semble pas avoir songé le moins du monde à entrer en lutte avec ses devanciers ou ses contemporains ; encore moins il s'est demandé quelle place il allait occuper dans ce champ si disputé, si morcelé de l'apo- logue ; il a tenu au contraire à conserver son propre esprit, (!) Fables nouvelles par M. Alexis llousset. 4 vol. ornés de 200 gravures.