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T,K VKNDREDI-SAINT. f>7
du cirque, les cunearii maintiennent l'ordre et distribuent
les places réservées aux citoyens romains, aux affranchis et
aux étrangers. Sur le mœnianum s'échelonnent les matrones,
et sur le popularium, c'est-à -dire au faîte de l'édifice, se
ruent, se précipitent pèle mêle la plèbe et les esclaves, ivres
d'une joie sanglante. Un immense voile de pourpre abrite
contre les rayons ardents du soleil plus de cent cinquante
mille spectateurs. De distance en distance, sur des trépieds
d'argent remplis de charbons ardents , des esclaves versent
constamment les parfums les plus exquis de l'orient, dont les
spirales odorantes charment l'odorat. Du fond même de leurs
niches de marbre, plus de mille fontaines répandent partout
la fraîcheur avec un doux murmure. Au premier signal donné
par l'empereur, les gardiens des bêtes sauvages lèvent les
grilles des carceres et des cavese placées au niveau du sol,
et toute cette multitude affamée et rugissante de tigres, de
panthères et de lions se précipitent les uns contre les autres,
se déchirent, se dévorent aux applaudissements, aux cris
frénétiques d'une multitude ivre de bonheur, abritée der-
rière des grillages très-élevés.
Pèlerins indifférents ou curieux, prosternez-vous dans
cette arène, baisez-en la noble poussière ; les sauvages ha-
bitants des solitudes africaines ne furent pas les seuls pour
l'arroser de leur sang. Les Gaulois, vos pères, y ont com-
battu et sont morts comme gladiateurs. Les premiers chré-
tiens y furent déchirés pour leur foi et la vôtre. Et vous,
hommes énervés de notre siècle, qui vous plaignez des
chances trop peu hâtives de la fortune et des tristes vicissi-
tudes de la vie, songez aux privations, aux souffrances, a
la mort cruelle des premiers chrétiens, et alors vous cesse-
rez peut-être de faire entendre la voix de vos injustes gé-
missements.
Au sortir du Colysée, pour compléter notre pieux péleri-