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                           JEAN PALEUNE.                             39
   Peu s'en faut que notre pèlerin, qui pleure de tendresse à ce
touchant spectacle, ne se laisse toucher par la grâce turque. Mais
bientôt revenu à des idées plus saines, il examine avec sévérité
la religion mahométane et relève avec assez d'esprit toutes les
fables qui se sont glissées dans l'Alcoran. Il pousse même le zèle
jusqu'à donner à Mahomet l'épithète de maître prophète de cha-
meaux.
   Notre Forésien qui ne laisse pas d'avoir beaucoup de ferveur et
une ferveur des plus naïves , glane pieusement le long de la
route toutes les légendes relatives à la foi chrétienne. Il ne faut pas
trop rire de toutes ces naïvetés ; elles étaient, sans aucun doute, les
fleurs les plus pures et les plus fraîches des croyances d'autrefois.

    « Prez la ville du Caire , environ quatre m i l , est le village ap-
pelé la Mathore, où il y a un grand jardin, beau et plaisant, au-
quel le Bachat du lieu va souvent se promener , lequel y estoit le
jour mesme , que nous y allasmes
Le dict Bachat estant sorty, nous entrasmes dedans, où nous
vismes premièrement une petite maison de brique, que tous ceux
du pais tant chrestiens, que Mores, afferment estre la mesme, où
Jesus-Christ demeura sept ans avec la Vierge-Marie, lors de la
persécution d'Herodes. Dans laquelle il y a une fenestre, ou ar-
moyre en la muraille, où ils disent que Nostre-Dame niettoit sou-
vent reposer noslre Seigneur, laquelle rend une odeur plus
souefve, que tous les parfums du monde. Je m'enquis par le
moyen du Truchement du More, qui tient le dict jardin , d'où
venoit ceste senteur : et si les Chrestiens y mettoyent quelques
 parfums , lequel me d i t , que non : et qu'il y avoit longtemps
 qu'il estoit jardinier : mais qu'il l'avoit tousjours veu ainsi. Joi-
 gnant ladite maison y a une fontaine de fort bonne eauë, qu'ils
 disent que nostre Seigneur y fist venir lors de son arrivée : et de
 faict, n'y en a point d'autre en toute l'Egypte. C'est là où Nostre
 Dame baignoit nostre Seigneur, et y lavoit ses drappeaux. Ceste
 fontaine court et arrouse ledit jardin. Maintenant les Mores se
 sont appropriez ceste maisonnette, et l'ont ^convertie en Mos-
 quée. Toutes fois les pèlerins ne laissent d'y aller faire leurs de