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                        AU XVIIIe SIÈCXK.                        13

jointe a certaines habitudes conventionnelles dans le mouve-
ment de la phrase, n'est pas la- seule différence qui sépare
la poésie de la prose.
    La plupart de nos théories sur ce point, non seulement
dans les livres de l'école, mais aussi dans le monde et dans la
presse procèdent presque toujours d'une façon plus ou moins
directe, plus ou moins avouée, de cette idée que la poésie
n'a pas d'existence essentielle, qu'elle est un simple accident
 de la forme, qu'elle ne vit que par des conventions, qu'elle
 est incorporée a la rime et à la césure et s'évanouit avec elles,
    A nos yeux, la poésie est un élément très-positif des
 choses, aussi positif que l'électricité ou le calorique ; la poésie
existe par sa propre vertu, et non pas en vertu de la prosodie
et de la grammaire ; quand une œuvre littéraire remplit toutes
les conditions voulues par la prosodie, il n'est pas prouvé,
par cela même, qu'elle appartienne a l'ordre poétique.
    La poésie existe. Il paraît peut-être singulier d'entendre
 affirmer comme une chose qui a besoin d'être démontrée
 et presque comme une chose nouvelle, une vérité si évi-
 dente ; mais cette vérité est explicitement ou implicitement
niée par presque tous les écrivains qui ont disserté en France
 sur les matières littéraires. La poésie existe donc comme
 sentiment, et abstraction faite des conditions de langage qui
 lui sont propres.
    La poésie est un état particulier de l'âme humaine, c'est
là sa principale essence; mais elle est aussi une certaine
manière d'être des choses et n'existe pas dans tous les
objets. Ainsi, quoique la poésie abonde dans la nature,
qu'elle puisse s'y mêler a tout, cependant tous les faits de la
nature ne sont pas poétiques, pas plus que toutes les figures
humaines ne sont belles. Nous ne pouvons pas entreprendre
dans ce court exposé de déterminer toutes les conditions né-
cessaires pour que la poésie existe dans les objets ; bornons-