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486              LA TURQUIE AU XVIe SIÈCLE.

au temps de leurs conquêtes les vertus d'un peuple pauvre ,
la simplicité, l'abnégation, la persévérance ; mais passant de
la pauvreté a une richesse subite qui n'était que le fruit des
rapines et des extorsions, ils perdirent, dès le XVIe siècle,
leurs qualités originaires, et tombèrent rapidement dans une
corruption précoce que l'inlluence religieuse du Koran ne
put ni prévenir ni combattre. Leurs meilleures institutions
s'altérèrent ; leurs milices devinrent de moins en moins dis-
ciplinées et pleines d'exigences , même pour les sultans. Les
fiefs militaires viagers que l'Etat distribuait comme récom-
pense aux fils des anciens feudataires, furent vendus publi-
 quement par les sultans eux-mêmes et par les pachas. Les
 finances furent dilapidées sans pudeur, et le gouvernement
 ne fut qu'un pillage.
    Tout cela explique comment les Turcs étaient au XVIe siè-
 cle la terreur de l'Europe, et comment ils comptent pour si
 peu devant elle aujourd'hui. Le règne de Soliman marque le
 plus haut période de leur grandeur , qu'allait suivre une
 prompte décadence. Encore cette grandeur consistait-elle
 presque uniquement dans la supériorité des forces militaires :
 car les Turcs n'ont rien civilisé. Quels que soient le mérite ou
 l'éclat de quelques-uns de leurs personnages historiques, if
 n'y a jamais eu de véritable civilisation ottomane, et ce qu'on
 a quelquefois appelé de ce nom n'a été qu'un misérable pla-
 giat de la civilisation byzantine.
     Ils n'ont même jamais gouverné les pays dont ils étaient
 maîtres , dans le sens que nous donnons à ce mot aujour-
 d'hui. Ils ont laissé subsister partout les institutions locales,
 et c'est ainsi que les Grecs sont demeurés Grecs. Il n'est
 pas possible de calculer quelle a été à chaque époque la pro-
 portion des chrétiens dans les différentes provinces de l'Em-
 pire ; mais tout porte à croire que cette proportion n'a .pas
 beaucoup varié depuis le XVIe siècle, et que le nombre des