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462 TROIS MOIS AU-DELA DES ALPES. Avertie par un de ses serviteurs de la colère de David con- tre Nabal son époux, Abighaïl va au-devant du prince, munie des plus riches présents. Prosternée a ses pieds, elle le supplie de l'épargner ainsi que Nabal : « Soyez bénie, lui « dit David en la relevant, vous m'avez empêché de répandre « le sang et de me venger de ma propre main. » A part quel- ques défauts de détails le sujet de ce tableau est bien en- tendu et bien traité. Au sortir de la villa Aldobrandini notre bande se sépara en deux camps ; les uns retournèrent a Rome pour vaquer a leurs plaisirs ou a leurs affaires ; les autres, Paul et moi, nous dirigeâmes nos pas du côté de Tusculum, bâtie, dit-on, par Télégon, fils d'Ulysse et de Circé. Le ciel était des plus purs et des plus transparents ; nos montures suivaient des sentiers sinueux bordés tour à tour par des lauriers roses en fleurs et par des bois de chênes verts. Au travers des clairières nous jouissions de temps a autre d'une vue variée, comme les changeantes figures du kaléidoscope : ver- doyantes prairies, sombres forêts, champs cultivés, rochers arides et une longue chaîne de montagnes qui se succédaient jusqu'aux solitudes de Rome. Pour moi, c'était l'image la plus saisissante de ce que doit être l'art lui-même ; la va- riété dans l'unité. A Tusculum, il ne reste plus que les rui- nes de sa citadelle perchées sur un roc taillé a pic, son théâtre avec ses sept gradins mutilés, quelques pans de murailles construites avec des pierres colossales ; ajoutez une citerne et un aqueduc et c'est tout. Tristes vicissitudes des âges, implacable fureur des hommes quand romprez- vous votre funeste pacte avec le temps ? Les hommes qui ont peuplé cette terre se sont succédés rapides et pressés comme la poussière des solitudes, comme les vagues de la mer Thirénienne que l'on entrevoit de ces sommets élevés. Lucullus, tu ne reviendras plus ici te re-