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458 LE DOCTEUR JEAN FAUST. cheveux en désordre, le visage livide, ressemblait à son propre spectre. — Mes amis, leur dit-il, ce n'est pas sans intention que je vous ai conviés à celte fêle, fêle funèbre, sans que vous vous en doutiez la dernière que nous ferons ensemble, car c'est sur la tombe où je vais descendre que vos libations se répandent. J'ai fait , il y a vingt-quatre ans aujourd'hui, un pacte avec le démon, et c'est avec son aide que j'ai opéré les prodiges qui vous ont surpris. Dans quelques instants, le terme fatal expire ; l'aube va luire, et je serai forcé de fuir sa lumière pour suivre mon inflexible maître. Ah ! combien je me repens de ma folie et de mon égaremenl. Ne faites ja- mais ce que j'ai fait : rentrez plutôt dans la voie de la sagesse, et que l'exemple de ma triste fin vous soit propice. Adieu , mes amis, priez Dieu pour moi ; priez-le de permettre que mon âme affligée et repentante puisse se séparer de son corps et ne point subir les tortures réservées à ce dernier. Adieu, je m'en vais ; car l'Esprit m'appelle, et je ne veux pas que vous soyez témoins de l'horible scène qui va se passer. Le jour est prêt de se lever pour vous ; je serai, moi, dans les ténèbres sans fin de l'enfer. Si vous entendez du bruit dans la chambre où je vais me retirer, et si j'appelle au secours, gardez-vous de venir ; il vous arriverait malheur. Adieu, priez pour moi et ne m'imitez pas.— Faust quitta la salle et s'éloigna lentement comme un fan- tôme qui, après s'être mêlé à un banquet des vivants, rejoint à regret au point du jour le peuple des fantômes. Ses com- pagnons étourdis se regardaient sans oser se parler et prê- taient une oreille inquiète dans l'attente de ce qui allait se passer. Tout à coup un bruit effroyable retentit dans la chambre voisine; les meubles se choquaient entre eux, des coups d'épée résonnaient contre la muraille, un vent violent semblait vouloir arracher l'édifice de ses fondations