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LE DOCTEUR JEAS FAUST. 457 Mieux eut valu sans doute que sa dernière illusion ne lui eût échappé qu'au dernier moment ; mais ce n'était pas le compte de Méphislophélès qui tenait à lui faire subir d'avance d'in- fernales tortures. — Ah ! mon bon docteur, lui disait l'impitoyable démon, vous avez voulu jouer avec le diable ; vous vous attendiez peut-être à pouvoir vous retirer de ses griffes ; mais c'était le jeu du chat et de la souris. Apprenez, (bien qu'il soit un peu tard maintenant), apprenez qu'il ne faut jamais manger des cerises avec le diable, parce qu'il vous en jette les noyaux au visage. En attendant, du courage. A quoi sert de vous lamenter? Pleurs inutiles, ridicules gémissements qui ne serviront qu'à faire rire le monde de votre imprudence et de votre pusillanimité. Le dernier jour arriva. Faust voulut réunir en un festin suprême la foule de ses compagnons de débauche, grands seigneurs , bacheliers et simples étudiants. Cette idée ne manque pas d'une certaine grandeur et rappelle un peu le dernier banquet de Socrate sur le point de prendre la ciguë. Tous se rendirent à l'invitation de Faust. Le repas était splendide, et les têtes les plus fortes ne tardèrent pas à céder à l'action des vins généreux qui coulaient abondamment. Au milieu des rires et des éclats de joie de l'orgie, Faust seul restait pâle et silencieux ; ses lèvres blêmes s'appro- chaient en vain de la coupe impuissanle à lui procurer l'oubli. Il y avait sur sa physionomie l'expression d'une si accablante préoccupation intérieure, dans ses regards, quelque chose de si triste et de si indéfinissable, que ses joyeux compagnons évitaient instinctivement de rencontrer ses yeux et n'osaient s'enquérir du motif de sa tristesse. Au moment où le délire bachique arrivait à son comble, Faust se leva et commanda le silence. A travers les fumées de l'orgie, tous crurent voir surgir une funeste apparition ; car Faust, l'œil morne, les