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366 EXPOSITION DE LA SOCIÉTÉ, ETC. dans dix ans , dans cinq ans peut-être ? Au quinzième siècle , on n'aurait pas rencontré une aussi prodigieuse abondance de talents explorant les gen- res les plus opposés, paysagistes, peintres de fleurs, peintres de portraits, peintres de scènes familières , de chroniques , de tableaux historiques et religieux, mais l'on aurait trouvé avec un nombre d'artistes beaucoup plus restreint, un sentiment plus passionné et plus convaincu, une étude et, une admiration plus grandes de la beauté. Notre art, un peu vagabond, n'appartient pour ainsi dire ni à notre pays , ni à notre époque, et sa vitalité peut en être compromise quelque incontestables que soient les talents de nos maîtres. Que retrouve-t-on en effet dans toutes les écoles dont les siècles ont respecté les œuvres ? L'esprit de leur temps. Praxitèles , Phidias , Apelles ont été Grecs, Athéniens , non pas Égyptiens ou Asiastiques. Murillo , Zurbaran , Morales ont donné à leurs madones , à leurs saints , à leurs moines , une poésie tout espagnole. Quels que soient les sujets que traitent les Vénitiens , on y reconnaît l'atmosphère, la physionomie de leur monde à part. Les Hollandais, les Flamands, Metzu, Terburg, Gérard Dow , Téniers, ont survécu à l'anatbème dédaigneux de Louis XIV, parce que leurs mo- destes compositions sont précieuses non seulement par la délicatesse du pinceau, mais encore par la réalité et la sincérité de l'expression. Si maintenant nous nous tournons vers les artistes de notre époque, en commençant par les plus célèbres, Ingres, Delaroche, Meissonnier, Delacroix, nous les voyons interrogeant, les souvenirs de tous les temps et de tous les pays, s'inspirant de tous les poètes, s'efforçant de ressusciter des passions, des illusions poétiques, des caractères étrangers à la société actuelle. Un tableau de Léonard de Vinci nous montre la société de Florence sous les Médicis, une page de Paul Véronèse suffît pour nous indiquer ce que fut Venise. La postérité connaîtra-t-elle la société française au dix-neuvième siècle en consultant les œuvres de M. Ingres ou de M. Paul Delaroche ? Non, mais si l'ensemble des œuvres de tous nos artistes arrive jusqu'à elle, elle pourra trouver dans leurs tendances si divergentes une grande analogie avec l'instabilité, de notre société, elle trouvera que l'éclectisme fut le caractère du dix-neuvième siècle , que ce siècle fut vraiment une époque de tran- sition, sans hiérarchie , incertaine dans sa voie , dans ses mœurs , dans ses coutumes, dans ses affections, cherchant partout des matériaux pour asseoir sa demeure, et elle appréciera mieux que nous ne pouvons le faire, le mérite de nos efforts, car elle en connaîtra le rcsullal..