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282 • LES CHARLATANS. »Si vous prenez de lui la plus simple leçon, Vous apprendrez bientôt qu'il a vraiment raison, Et vous applaudirez de voir mettre en pratique Les principes nouveaux de la jeune Amérique. Voulez-vous, à coup sûr, accaparer les sots ? Faites ronfler bien fort, le canon des grands mots Plus vous vous moquerez du vulgaire imbécile, Et plus sera pour vous sa conquête facile. Tâchez de lui prouver qu'il chemine en avant, Et vous le nourrirez de progrès et de vent. Pour moi, sur ce bas-fond, si j'établis ma drague. J'en tire trop souvent l'unique mot de blague.. Je ne peux pas me prendre au ver de l'hameçon, Et vraiment, malgré moi, je deviens hérisson, Quand, au nom du progrès, un charlatan vulgaire Croit me faire avaler son baume imaginaire. Aujourd'hui l'on me voit, en écrivant mes vers, Fouetter d'un ton léger les têtes à l'envers ; Mais pourtant mon esprit conserve en sa mémoire D'un temps très-rapproché la sérieuse histoire. Le bienfaisant veto d'une puissante main A tous les grands bavards a mis un juste frein ; Mais autrefois chacun, auditeur sans prudence, Tolérait les écarts de mainte extravagance : C'était, nous disait-on, preuve de liberté ; La seule chose à craindre était l'autorité. Les journaux, chaque jour, vivaient de tyrannie, Et du pauvre vieux monde annonçaient l'agonie. En effet, un matin réveillés par le bruit, Notre barque sombrait en plein quarante-huit. Deux rois, l'un après l'autre, expulsés de la France, Nous léguaient le remords de notre imprévoyance, Et l'indigne Paris se courbait sous les lois Des héros dont Chenu célébra les exploits.