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188            TROIS MOIS AU-DELA DÉS ALPES.

jettent par toutes ces larges et hautes fenêtres des rayons
aussi éclatants que la pourpre des César, et que le sommet de
la coupole ainsi qu'une partie du plafond reste dans une sorte
de pénombre, il semble alors que les voûtes, les piliers, les
colonnes grandissent et s'élèvent jusque dans les mysté-
rieuses profondeurs de nuées flottantes, et vous avez alors les
hallucinations du plus étonnant, du plus splendide des rêves.
    Comme, en matière d'art, il ne faut jamais arriver au dé-
goût de l'admiration, il est bon de quitter la basilique de
 Saint-Pierre, sauf à y revenir. Suivez-moi donc sur la Voie
Appienne dont je me faisais le tableau le plus poétique, le
plus enchanteur ; grand désappointement ! A la place des ma-
 gnifiques tombeaux et des villas qui la bordaient de chaque
côté, comme pour rappeler aux passants la brièveté de la vie
 de l'homme marchant pour ainsi dire de front avec une nature
 que la mort ne frappe que pour la rajeunir ; a la place de ce
 saisissant contraste, on ne voit plus aujourd'hui que de vas-
tes plaines arides, désolées et des décombres informes, c'est-
 à-dire poussière sur poussière. Heureusement que ce mono-
 tone point de vue est encadré par la chaîne des Apennins,
 qui, au coucher du soleil, ne ressemble pas mal a un camp
 romain après un horrible carnage, tant l'horizon se diapré de
 couleurs sanglantes. La nuit approche, et de son sein rem-
 bruni par les ténèbres naissantes, tombe une fraîcheur gla-
 ciale comme nous n'avons pas la coutume d'en subir en France
 où la température est plus égale. Ce phénomène météorolo-
 gique a sans doute donné aux Italiens l'habitude de porter
 continuellement un manteau , même par les plus grandes
 chaleurs. Le pavage primitif de la voie Appienne, composé
 d'énormes blocs de laves de formes irrégulières, existe tou-
jours, comme au temps du vieux patricien Appius Caseus, qui
 vivait l'an 442 avant notre ère ; il la lit percer jusqu'à Capoue.
 Parmi les rares tombeaux encore debout, le premier que l'on