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                         ANTOINE BERJON.                           169
jusqu'à ce jour, c'est avec une admiration sans bornes pour une
conduite si rare et si belle, que nous nous déclarons ici fiers et
heureux d'en signaler l'admirable sacrifice. Se faire pendant vingt
ans l'ami et le compagnon assidu d'un vieillard morose, le visiter
tous les jours et le soigner lorsqu'il était mlaade avec la patience
et le courage d'un fils qui remplirait un devoir vis-à-vis de son
père, et tout cela sans arrière-pensée, sans intérêt d'aucune sorte,
et le plus souvent pour ne vecvieillir en retour que mécontement
et qu'ingratitude, n'est-ce pas là , en vérité , un grand acte de
vertu et un bien bel exemple de charité chrétienne ?
    A cela près, les dernières années de la vie de Berjon , après
qu'il eut quitté l'école des Beaux-Arts, n'offrent rien de très-re-
marquable , il vivait fort retiré et ne recevait que de rares vi-
sites que le plus souvent il accueillait fort mal. Les personnes
qui l'ont connu à cette époque et qui avaient accès chez lui di-
 sent seulement qu'il travaillait beaucoup, ce qui est très-admissi-
ble, quand on pense à l'énorme quantité de dessins qu'il a pro-
 duits ; un travail aussi prolongé lui était cependant facile, parce
qu'indépendamment de sa grande habileté, il jouissait dans un
 âge avancé, d'une santé extrêmement robuste. Il était alors si
plein de vigueur et de courage, qu'à l'âge de quatre-vingts ans
il parlait d'aller travailler à Paris, comme l'aurait pu faire un
jeune artiste. Néanmoins, et quoique son genre de -vie sobre et
 bien réglée parut devoir lui assurer encore une plus longue exis-
 tence, il succomba le 25 octobre 1843 à l'âge de quatre-vingt-
 neuf ans, sous l'atteinte des infirmités inséparables de la vieillesse
 la plus florissante et la plus vigoureuse, infirmités dont, au reste,
 il se préoccupait peu et dont il ne voulut jamais prendre soin.
 Aussi on peut dire de Berjon qu'il est mort le crayon à la main,
 tout entier et d'un seul coup dans la pleine jouissance de ses fa-
 cultés d'homme etd'artiste. Semblable en cela à ces maîtres illus-
 tres, Léonard de Vinci, Michel-Ange,Titien, dont on nous excusera
 d'avoir rappelé les noms à propos d'un modeste peintre de fleurs,
 et dont la puissante vieillesse semblait défier la mort, Berjon
 a travaillé jusqu'à son dernier jour, cl, comme un vaillant soldat
 de l'art, il a été frappé debout et les armes à la main.