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DISCOURS DE M. HEINKICH. 141 rateur du Saint-Siège, était surtout demeuré populaire. Mais celui qui donne son nom à un cycle en est rarement le véri- table héros. Charlemagne est effacé par son neveu, le pala- din Roland, dont les aventures font l'entretien de tout le moyen-âge ; l'Italie emprunte a la France ces récits et les conserve dans la chronique légendaire des Princes de France, les Reali di Francia. Dante lui-même ne craint pas d'évoquer le souvenir de ces fables, et au plus profond de l'enfer, lors- qu'il entend retentir le cor du géant Nembrod, il en compare le bruit terrible au son du cor de Roland. Mais le moyen-âge expire avant que ces légendes aient trouvé leur grand poète ; avec le moyen-âge s'éteint la chevalerie, et pourtant c'est alors que renaissent tous les récits qu'elle a inspirés ; c'est alors que Pulci et Boïardo reprennent la merveilleuse histoire de Roland, et qu'enfin l'Arioste y applique son génie et la rend immortelle. Messieurs, cette contradiction est plus apparente que réelle ; le moment où l'on parle le plus des grandes institu- tions en décadence, est celui où l'on commence a n'y plus croire. Si vous ne comprenez pas que l'Arioste dépense tout ce qu'il a d'esprit et de verve à orner des fictions qui le font sourire, et que les hommes fins et délicats des cours de la Renaissance admirent et répètent partout ses vers, oubliez les preux et la chevalerie, transportez-vous à Rome au siècle d'Auguste, et voyez ce qu'il advient du paganisme. Les tem- ples sont encore debout, ils ont leurs richesses, leurs prêtres, leurs sacrifices ; on trouverait même, en cherchant bien, ce petit nombre d'adorateurs zélés dont la ferveur surannée re- trace l'ombre des premiers temps. Mais, en général, qui croit au paganisme ? qui demande aux dieux autre chose que des exemples pour autoriser les plus mauvaises passions ? Et ce- pendant paraît alors un esprit ingénieux, délicat, fécond, qui ne veut donner à son intarissable verve d'autre sujet que les