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134 DISCOURS DE M. HEINRICH. Je ne m'arrêterai pas plus longtemps sur cette école fran- ciscaine, un hémistiche de Dante la caractérise tout entière. Saint Bonaventurej rencontrant dans le ciel le poète florentin, lui rend de son âme ce témoignage que l'amour l'a rendue belle, Àmor che mi fd bella. Ce peu de mots est le meilleur commentaire d'une poésie qui, aspirant a décrire l'éternelle beauté, eh répandit quelque reflet sur cette langue encore indécise que Dante allait fixer pour toujours. On a dit qu'un grand siècle avait toujours son image dans un grand livre. Cette assertion, peut-être contestable, n'a ja- mais été plus vraie que pour la Divine Comédie, Le moyen- âge italien y revit tout entier avec sa foi, sa science et ses passions. Et voila ce qui explique l'immense popularité de cette œuvre. Le théologien y retrouvait les mystères qu'il étudiait dans sa cellule, le savant, tout le trésor des connais- sances amassées depuis de longs siècles, l'homme de guerre ou le citoyen des républiques italiennes, le brûlant souvenir des luttes qui avaient agité sa patrie. Aussi, les vers de Dante furent bientôt dans toutes les bouches, et l'Italie ne sut plus parler d'autre langue que celle de son poète. La forme même de la strophe dantesque contribuait à sa popu- larité. Ce court tercet qui, tout en s'encadrant harmonieuse- ment dans une longue période, marque un repos si net et si précis dans la pensée, qui se détache dans le cours d'un chant, comme un verset dans une page de l'Ecriture, se gravait facilement dans la mémoire , et y gravait la langue nouvelle. Vous connaissez cette admirable scène qui ouvre le second chant du Purgatoire. Dante et son guide, arrêtés sur le rivage avec Caton d'Utique, voient s'avancer sur les ondes une barque légère ; les ailes de l'ange qui la dirigent lui servent de voiles, et signalent de loin son arrivée par leur éclatante blancheur ; le vol d'aucun oiseau ne saurait égaler sa marche rapide. C'est la barque qui amène les âmes