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 90                   EXPOSITION UNIVERSELLE
 avec M. Ingres si je ne vous disais rien des deux magnifiques
 tableaux de chevalet, qui représentent l'un et l'autre le même
 sujet: le Pape Pie VII tenant chapelle, où la même cérémonie,
 est représentée sous deux aspects différents, avec une égale
harmonie et le plus admirable sentiment de couleur qu'il soit
 possible d'imaginer. Pourquoi ne citerais-je pas également, au
 risque de voir cette appréciation du talent de M. Ingres taxée de
dithyrambe, la ravissante petite toile qui a pour titre Jupiter et
Antiope, et dans laquelle cet illustre interprète de la ligne
 suave et correcte s'est montré l'égal pour la couleur des Flamands
 et des Vénitiens les plus éclatants et les plus fameux, et la Fran-
cesca de Rimini ctl'Èpée d'HenriIV, et Philippe V roi d'Espagne
donnant l'ordre de la Toison d'or au maréchal de Bervoick, j'en
passe et des meilleurs. Je ne m'arrête pas non plus à la Vierge à
l'hostie, à Jeanne d'Arc, à Angélique et Roger, malgré la pureté
de contours et la pose ineffable que M. Ingres a données à la fi-
gure d'Angélique, non plus qu'à Jean Pastorel, toutes ces toiles,
malgré leur mérite me paraissent inférieures à celles que j'ai
signalées précédemment, et je me hâte d'arriver, pour en finir,
aux admirables portraits, si connus et si justement vantés, de
ce grand maître.
    C'est surtout en considérant cette imposante série d'ouvrages,
véritablement hors ligne, que l'on reconnaît la justesse de ce
mot, si profond et si vrai, de Simon Vouët, l'un des vieux maîtres
les plus remarquables de notre école française : « nous autres
peintres d'histoire, disait-il, nous ne faisons pas le portrait parce
que c'est trop difficile, » et sans qu'il soit besoin de rappeler à
ce propos les glorieux noms de Raphaël, de Léonard de Vinci,
de Rubens, de Van Dyk , de Titien et de Vélasquez, ne suffit-il
pas d'amener le critique le plus difficile à contenter et, passez
moi le mot, le plus hargneux, devant le portrait de M. Mole,
pour qu'il reconnaisse avec moi que c'est assurément là de la
grande et belle peinture, et qui égale pour la réunion de toutes
les qualités et la beauté de l'effet, ce que la peinture d'histoire
a produit de plus difficile et de plus parfait. Ce que je dis là est
si vrai que même pour celui qui n'a jamais vu le célèbre mi-
nistre de la royauté constitutionnelle, il y a dans la vérité de la
pose, dans le port de la tète , dans l'allure tout-à-fait aristo-
cratique du personnage, une réalité saisissante, qui le lui ferait
reconnaître entre plusieurs, et tout cela est abordé et rendu
avec une noblesse qui n'exclut en rien la puissance et la vie.
Ces dernières qualités sont particulièrement à noter dans le
portrait si beau et si connu de M. Berlin aîné ; quelle admi-
rable interprétation M. Ingres a su faire ici de son modèle !
quelle originalité et quelle hardiesse , dans l'attitude qu'il lui
a donnée , et comme ces deux mains appuyées sur les ge-
noux sont faites ! Pour moi et quoi qu'on ait dit le contraire,
c'est, en fait de dessin et de modelé, le dernier mot de l'art, et