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88                  EXPOSITION UNIVERSELLE
aussi bien que me le permettra l'obligation que j'ai dû m'imposer
d'être bref et de me restreindre.
    0 misère et vanité de la gloire ! quel peintre en aucun temps
et en aucun lieu fut plus contesté, plus nié, plus insulté que ne
l'a été dernièrement encore M. Ingres, cet interprète si admirable
de la forme chaste et pure, cet infatigable chercheur de la
beauté parfaite, qui l'aime et la poursuit, avec l'ardeur et le sen-
timent délicat d'un artiste grec du siècle de Périclès. Ainsi à
commencer par le Portrait en pied de Napoléon, premier consul,
l'un de ses plus anciens ouvrages, qui appartient, aujourd'hui, à
la ville de Liège, et en finissant par l'Apothéose de Napoléon Ie1,
peint en 1853, et qui orne l'un des plafonds de l'Hôtel-de-Ville
de Paris, quelle suite magnifique d'Å“uvres admirables, M. Ingres
n'a-t-il pas exposée dans la galerie particulière qui lui a été
réservée au palais de l'avenue Montaigne ! Certes en appréciant
un talent d'une aussi haute portée comme style et comme inven-
tion, si je cherchais à en dissimuler les côtes faibles pour n'en
faire ressortir que lès parties éclatantes et lumineuses, j'aurais
recours à un artifice misérable et tout à fait indigne d'une aussi
grande renommée, c'est ce que je n'essaierai point et j'avouerai
loyalement qu'en regardant de prime abord les tableaux de
M. Ingres, on y est véritablement frappe d'une incontestable
 absence de mouvement et de vie, mais aussi en persistant dans
un examen plus attentif de cette Å“uvre splendide, et qui ne
renferme pas, il faut bien le dire, tout ce que l'illustre maître a
 produit, on est bien forcé de s'incliner devant la distinction du
style et l'ineffable beauté de la forme. Ce sentiment élevé et
 délicat que m'a inspiré la contemplation assidue des quarante
 toiles envoyées par M. Ingres à l'exposition universelle, je ne
doute pas que tout artiste loyal et sincèrement épris de la
 grandeur et de la pureté des lignes, ne déclare, sincèrement,
l'avoir éprouvé comme moi, en présence surtout de la Naissance
 de Vénus Aiiadyoméne, tableau qui, à lui seul, mériterait, à mon
 sens, la faveur d'un long article, et que je trouve égal, pour ma
 part, à ce que l'art antique a produit de plus noble, de plus chaste
et de plus parfait. Pourquoi faut-il, Monsieur, qu'une nécessité
trop impérieuse" me défende de m'arrêter, comme je le voudrais,
 devant cet admirable VÅ“u de Louis X1I1, que quelques amateurs
 fervents ne craignent pas de placer immédiatement au dessous
 et presque à côté des plus beaux Raphaël, devant Homère déifié,
 que son auteur a splendidement entouré des plus beaux génies,
 appartenant à toutes les nations, à tous les genres et à toutes les
 époques. Que vous dirai-je également qui n'ait jamais été assez
 redit en vous parlant de l'ineffable expression que M. Ingres a
 su trouver pour la tête de saint Symphorien marchant au supplice:
cette tête seule est un chef-d'œuvre, et celui qui a pu la faire naî-
 tre sous le travail de son pinceau est assurément un grand peintre,
  dans tous les pays et dans tous les temps; je sais bien qu'on m'ob-