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54 LES TROIS CHAPELON. distinction, sans merci, sans délai. 11 est impossible, en suivant des yeux cette galerie funèbre, de ne pas se livrer aux réflexions les plus noires. Eh bien ! l'œuvre d'Holbein, tout effrayante qu'elle est, cause une sensation moins pénible encore que le tableau de la vieillesse de Bobrun et surtout celui de ses transes à ses derniers moments. Ceci pourra sembler pour le moins paradoxal à ceux qui n'auront pas lu ces deux pièces. Rien de plus vrai pourtant. La première est une saisissante peinture des infirmités de la vieillesse ; tous ses accidents et ses misères y sont pris sur le fait. Bobrun est censé raconter au poète-coutelier les phases de sa décrépitude et les derniers symptômes de sa fin prochaine : Mâmon, dit-il, Vou-éy fat, je m'envoi vez ma lin, Ainsi zo vo lou rigouroux destin : Portou me dent et mous yos dins me saque, Et par marcliier n'erin pas vez Sant-Jacque. Touta la not je ne fouai que cralier, Jalou de fret au carou do fouïer (1). Mou reins, mon couai,mes epales, ma tèta, Me fant souffrir un a ruda tempêta ; Maforci-oy loin, j'entendou sourdament, Et j'ai perdu quasi lou jugeament. L'aigua dos yos défiale gouta-à -gouta (2), Et de mon naz y tombe dins ma soupa, Marchou courba, mon do s'eyt arrondi, Ma barba-éy blanchi, et mon groin ey fronci. N'ai que la pay encoula sus le cote, Finalement soi tout farci de dote (3) Et d'endepeu lou cranou j usqu'au pie, Soi si défat que te farin pitié. Mous yos sont creux, mes oureille ant de moussa, Par pouaire alla, lou bâton me faut prendre, Et tu dirie que n'ai que l'ama à rendre. Jementirin et ne sarin pas sageou. (1) Je gèle de froid au coin du foyer. (2) Distille. W Douleurs.