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332 FBDOR ET LOUISE. encore un peu; mais c'est égal, il ne sent plus rien, cela m'a été assuré par un chirurgien. Voyons, essayez à votre tour. Mais que ce soit lestement fait, car il ne faut pas martyriser les bêtes, ce serait un gros péché. Moi aussi je fais mon possible pour abréger les souffrances des bêtes qui nous servent d'aliments. Je ne pique point l'anguille vivante au bout de ma fourchette, comme cela se pratique, et je ne jette point mes écrevisses dans un pot d'eau froide quand je veux les faire cuire. C'est cela ! voyez-vous, voilà qui est fait, votre père sera très-content de manger un bon plat. Si vous voulez y ajouter quelques cuillerées d'airelles bouillies, j'en ai à votre service. Louise accepta l'offre avec reconnaissance et alla plumer ses pigeons. CHAPITRE IV. NE PUNIS PAS UN ANIMAI. POUR UNE PRÉTENDUE FAUTE OU A CAUSE DE SA FORME DÉSAGRÉABLE. Louise était âgée de quatorze ans et Fedor en avait douze. Leur père, riche négociant, avait perdu sa fortune par différents évé- nements et par trop de bonté. Enfin, pour avoir souscrit des billets en faveur d'un ami, il avait été mis en prison. Le créan- cier qui l'avait fait arrêter devait payer chaque jour un franc vingt-cinq centimes pour l'entretien de son débiteur. Sa nourriture était bien maigre, attendu qu'il devait en fournir à ses deux enfants. Pour subvenir à ses besoins, Barenbeck s'oc- cupait à des copies et à des vérifications de livres de commerce, travail qui lui donnait quelques bénéfices mais épuisait ses forces. Les deux enfants demeuraient dans le voisinage de la maison d'arrêt ; ils étaient sous la surveillance d'une bonne voisine, Mme Petermann. Ils passaient une partie de la journée avec leur père ; ils étaient sa seule distraction. L'épouse de Barenbeck était partie à la poursuite du faux ami pour lequel il avait ré- pondu. Depuis longtemps elle n'avait plus donné de ses nou- velles, et déjà les enfants croyaient ne plus revoir leur mère. Louise avait plumé et lavé ses pigeons. Dès qu'ils furent ainsi