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 290                     LETTRES INÉDITES

 cisément, que commence la journée d'une femme de lettre. Le
 soleil n'est fait que pour la campagne. Vivent les bougies !
 Les femmes même ne sont vraiment jolies , vraiment aima-
 bles qu'aux lumières , et les gens de lettres          ont cela de
 commun avec elles. Tous les bons ouvrages ont élè faits la
 nuil, cela n'esl pas d'aujourd'hui , car vous savez que, lors-
 qu'on vouloit                       ,
            . tous les plaisirs de la vie (je parle des plaisirs les
plus vifs) se passent aux bougies ; spectacles, soupers, bals,
divertissements de toute espèce, sont brouillés avec le soleil.
 Laissons cet astre faire croître la salade et mûrir les choux.
Laissons le stupide paysan profiler de sa présence pour ses
grossiers travaux. Mais que l'homme de génie, que le poète,
que l'écrivain, avide des honneurs del'immortalilé, consacre
la nuit à ses Iravaux ; elle n'endort que la matière : par elle,
l'esprit est vivifié , l'imagination se réveille , le sang s'agite,
le cerveau s'éleclrise et la plume est trop lenle au gré de la
pensée. M. de Fontanes sera bien de cet avis car c'est, jus-
qu'ici, la nuit qu'il a consacrée à ses Iravaux. Je me meurs de
peur que le mariage n'ait interverti sa vie. Les femmes maté-
rielles aiment qu'on passe la nuil à autre chose qu'à penser
ou écrire. Aussi, un homme de lettres doit rester célibataire;
il y a vingt ans que je le répète, et je le répéterai toute ma
vie, quoique vous puissiez dire.
   Grâces en soyent rendues à la dame Screutzer, puisque par
elle vous avez enfin revu Mmc de Beauharnais. il ne falloil
rien moins que celle occasion, due au hasard, pour vous rap-
procher de cette aimable amie, dont la conversation est tout
à la fois si solide et si brillante d'esprit, si juste et si aimable.
C'est sans doute pour me flatter que vous dites qu'elle vous
parle de moi, de ma correspondance avec vous, sans entrer
à ce sujet dans aucuns détails qui puissent me persuader que
c'est la vérité. Il paraît que celle correspondance n'inléresse