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220 DES ORIGINES DU DEVOIR. jours propagé de proche en proche ; car, en tout temps et en tout lieu, il s'est trouvé une petite élite du monde, terrain privilégié de la bonne volonté, où la paix de Dieu descend et fruxli6e. 11 n'est pas vrai qu'il y ait des vertus inutiles et des biens sans prix aux yeux de celui qui est le bien souve- rain. Les vertus humaines appellent les dons plus élevés de la foi et de la grâce , n'importe l'heure; car il n'appartient pas à notre faible vue de mesurer les moments accordés à l'homme, et nul n'a jamais pu percer les révélations mysté- rieuses qui s'établissent de Dieu à l'âme, à cette heure su- prême où la communication avec la vie absolue qui s'avance est d'autant plus vive que l'extinction de nos organes nous interdit déjà de communiquer avec la vie relative qui finit. Ce n'est pas, après tout, une chose si indifférente d'appe- ler les hommes à l'honnêteté du cœur, qu'il faille s'attacher à un seul des moyens capables de conduire au but, et rejeter tous les autres. Il nous semble, au contraire, qu'il faut recou- rir aux voies diverses, qui, sans s'exclure mutuellement, peuvent s'adapter à la diversité des caractères, des habitudes et des traditions existantes. Faire d'abord des honnêtes gens, ce n'est pas un petit résultat, sans préjudice de la tâche de faire ensuite des chrétiens, puisque l'un n'empêche pas l'au- tre. Saint Thomas voulant rallier les gentils et les incrédules a l'Evangile, ne se pose pas du premier abord sur le terrain de la révélation qu'ils n'admettaient pas, mais sur le terrain commun à tous les hommes des vérités qu'ils sont capables de connaître par leur force naturelle ; ainsi ont procédé tous les grands apologistes, S'ils ont eu raison, ils ont eux-mêmes défendus M. Jules Simon contre les protestations du faux zèle accueillies et répétées par l'ignorance. J. MORIN.