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172                       EXPOSITION DE 1 8 5 4 - 5 5 .
11 semble, avoir ses tableaux, qu'il suffise d'ouvrir les yeux pour voir ainsi
ce monde et en reproduire l'image. On se dit que la nature est bien ainsi,
poétique par elle-même, belle avec rien, sans le secours d'une composition
artificielle, sans acception de formes, à l'aide d'un rayon, d'un nuage, d'une
brise, moins que cela, d'un souffle, de ce quelque chose enfin qui peuple la
solitude et nous fait trouver un compagnon partout où pénètre cette lumière
du jour, appelée sainte par les poètes de l'antiquité.
   Des huit tableaux exposés par M. Allemand, quatre surtout ont nos sym-
pathies. Ce sont : une étude portant pour tilrc : après la Pluie ; un Souvenir
de la Bresse qui rappelle singulièrement Ruysdaèl, moins le fini et la perfec-
tion du dessin ; les Bords de la Bourbe, acquis par la société des Amis-des-
Arts et une charmante petite étude exposée sous le n° 6.
   Nous pouvons louer sans la moindre restriction, le grand dessin de
M. Bellet-Dupoizat, les Pèlerins d'Emmaûs. Quel est donc le secret des co-
loristes pour savoir jeter à profusion la lumière et la couleur avec le secours
d'un morceau de charbon ? car le dessin de M. Dupoizat est véritablement
éclatant de couleurs sous ses ombres noires, et, nous en féliciterons l'auteur;
ces qualités d'effet matériel sont jointes à une véritable ampleur de style et
de caractère, tellement qu'on peut hardiment classer ce paysage dans ce
qu'on appelle les paysages historiques. Ce qui nous plaît encore dans ce
site montueux et aride, ces arbres tortus et nerveux qui semblent étieindre
le sol de leurs racines, c'est comme une certaine sève native, cl cette absence
d'arrangement, de composition agencée à plaisir pour la satisfaction de l'in-
telligence-, c'est en un mot l'esprit primesautier , la sève fécondante du
véritable artiste. En voyant celte vigueur d'exécution , cette énergie sau-
vage du sentiment, nous avons songé aux merveilleux dessins de M. Decamps,
dont M. Dupoizat s'est fortement rapproché dans cette circonstance.
   Si M. Allemand, en suivant la voie des apôtres de la couleur ne se laisse
pas entraîner dans les excentricités qui leur sont familières, M. Carrand
épouse et met en pratique tous les préceptes de la secte. Il se contente de
faire des esquisses, de belles esquisses il est vrai, bien vivantes, bien fidèles.
11 prend les sites au hasard. Tous lui sont bons, même ceux qui ne se plient
en rien à certaines exigeances de composition que l'on ne peu! se dispenser
d'observer. Malgré cet esprit trop exclusif qui tient, nous le présumons, à In
fougue de la jeunesse, car c'est la première fois que nous voyons son nom
paraître aux expositions, SI. Carrand a un talent réel et qui se complétera
à mesure que cet artiste s'attachera à voir moins la nature et l'art d'un
seul point de vue.
  Où faut-il placer M. Ponthus Cinier ? Il ne rentre pas dans la catégorie
des réalistes intolérans, de ceux qui passent leur existence à la poursuite