page suivante »
EXPOSITION DE LA SOCIÉTÉ DES AMIS-DES-ARTS. 1854-1855. L'institution des expositions périodiques est un fait particulier à uotre époque. C'est l'expression de certaines modifications dans l'état social, dont le milieu artistique a ressenti le contre-coup. Il fallait, pour voir ce fait se produire, que l'art descendît, des hauteurs sereines où il s'était maintenu, sur le terrain des, choses humaines ; il fallait que ses produits fussent con- sacrés presque exclusivement à la jouissance de l'opulence privée. Cette transformation, comme tant d'autres qui nous ont fait ce que nous sommes aujourd'hui, est le propre de la fin du XVIII e siècle. C'est à dater de la Révolution française que s'est agrandi le rôle de l'individu dans la société, du citoyen dans l'État ; il était naturel que le domaine particulier à chaque faculté de l'intelligence subît l'influence de ce changement. La création d'une branche nouvelle de la peinture a été le fruit de cette situation. On a inventé ce qu'on appelle la peinture de genre, c'est-à -dire une sorte de peinture dont les sujets sont puisés dans les mœurs, les habitudes et même les ridicules des individus. Il faut bien dire que tout a contribué à imprimer à l'art moderne le mouvement que nous signalons. L'augmentation du nombre des fortunes privées, la diminution des plus importantes d'entre elles, l'a privé de cette protection des grands qui subsistait côte à côte avec celle de la royauté, et semblait en être le reflet. C'est le public tout entier qui est devenu le protecteur et l'appréciateur des artistes. Les expositions ont eu pour ceux-ci un double but ; elles ont été un débouché ouvert à leurs pro- duits, et l'arène où se forment et grandissent les réputations. Que ce soit là un mal ou un bien ; que l'art \ ail perdu en grandeur et en partie morale, ou qu'il y ait gagné en variété, en indépendance, il n'en