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110 LETTRES INÉDITES des ambassadeurs , des évèqucs , des lords et même des dames du premier rang. C'est pour un jeune voyageur des écoles de politesse et d'instruction ; on ne s'y dispute pas avidement les mets, comme dans nos plus fameuses auberges de Lyon , qui ne sont auprès que de détestables gargottes. Comme elles sont abondamment servies, chacun est sûr d'avoir sa part des meil- leurs mets , et il y règne autant de déférence que dans la table la plus distinguée. Les convives, du reste, n'ont point l'embarras du dépècement, ni du service. Deuxécuyerstranchants, appelés sommeliers, apportent les grosses pièces successivement, les découpent sur une table à part, et chargés chacun d'une assiette qui contient les morceaux coupés avec un art et une propreté inconnus en France , ils font le tour de la table , s'arrêtent à chaque convive, qui se sert ainsi lui-même. Tout cela se fait avec beaucoup de promptitude et d'activité, votre assiette n'est jamais vuide, vous mangez de tout sans vous mêler de rien et le soin de pourvoir à votre appétit ne vous absorbe pas comme en France et surtout à Lyon, où l'on est d'une grossièreté sans exemple. Joignez à cela une conversation générale et presque toujours instructive. L'hôte est comme le point de ralliement de tous les convives avant qu'ils aient fait connaissance , il répond à toutes leurs questions et se fait un plaisir de les mettre au fait de tout ce qui concerne le pays , et vous le prendriez bien moins pour un aubergiste que pour un convive aimable et complaisant et de la meilleure compagnie. Lorsqu'on n'est jamais sorti de France ce tableau peut paraître exagéré; je vous assure qu'il est des plus fidèles. J'ai passé une assez bonne partie de ma vie en Suisse, j'y ai tout observé d'un œil attentif et je vous assure qu'il n'est aucun pays, o ù , sous tous les rapports, j'aimasse mieux habiter. Aujourd'hui que le nom français y est en horreur et que cette nation a contre nous des vengeances particulières à exercer, je doute que nous y puissions jouir des mêmes agré- ments. Aux mon projet a toujours été d'y aller finir mes jours, et assurément je n'y mangerais jamais qu'à table d'hôte , c'est le moyen de ne s'y ennuyer jamais et d'avoir à peu de frais une compagnie toujours agréable. Je désire que quelque