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108                     LETTRES INÉDITES
d'une belle édition , surtout lorsqu'elle est d'un bon ouvrage. 11
me semble que c'est un hommage que le luxe et la somptuosité
rendent au génie, et c'est flatter l'amour propre d'un écrivain.
                                  Je conviens que ces fastueuses
éditions sont à la portée de bien peu de personnes et qu'en gé-
néral ceux qui les achètent ne sont guerre en état de les lire.
C'est convenu, mais il n'en est pas moins certain que
et cet éclat que les arts prêtent à l'éloquence est quelque chose
de grand et de noble à mes yeux. Cette édition de Télémaque ,
par exemple, ornée de 72 estampes supérieurement gravées
par Tilliard, d'après les desseins de M                     ne vous
semble-t-elle pas un trophée élevé par la nation à la gloire de
l'immortel Fénelon. C'est pour un écrivain une sorte d'apothéose
et ce n'est guère que lorsque la postérité a consacré leur mérite
qu'on ose le leur décerner, et le succès du livre est la caution
du succès de l'entreprise , et l'on se garderait bien de tant de re-
cherches pour un mauvais ouvrage. Cessons donc de blâmer les
superbes éditions ; quoique nos moyens ne nous permettent pas
d'y atteindre, rien ne nous empêche de les aller admirer dans le
cabinet des heureux qui les possèdent, et qui sont rarement
avares de communiquer un genre de richesses qui flatte leur
amour propre en faisant en quelque sorte l'éloge de leur goût. De
plus, les étrangers s'empressent d'acquérir ces beaux ouvrages
qui portent au loin la réputation des artistes et la célébrité du
nom français. Car il n'y a qu'une grande nation qui puisse
accomplir ces grandes choses.
   Voilà donc les grandes dépenses que Mme Giraud avait faites
pour l'enseigne de l'Hôtel de Provence, qu'on dit avoir coûté
plus de 2,000 fr., absolument perdues, puisqu'il a changé de
nom. Il me semblait cependant que l'on pouvait sans inconvé-
nient lui laisser le sien. Car, en dépit de la démarcation nou-
velle , il y aura toujours une Provence, un Languedoc, un Dau-
 phiné et pendant plus d'un siècle on se servira des anciennes
dénominations. Rien n'est plus difficile que de faire perdre aux
hommes leurs habitudes des noms et surtout des noms de lieux.
Voyez quels efforts inutiles l'ancien gouvernement a fait pour