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                DE LA PHILOSOPHIE CARTÉSIENNE.                     69

 du philologue et de l'historien, la science profonde du juris-
consulte. C'est précisément en se plaçant à ce double point de
vue que Vico attaque la philosophie de Descartes. Renfermé eu
lui-même et voulant tout tirer de sa propre pensée et de sa
conscience, Descartes avait professé pour l'érudition, pour la
science de l'antiquité, pour l'étude des œuvres des philosophes
qui l'avaient précédé, un dédain singulier, et que ses disciples
immédiats exagérèrent encore, comme il arrive toujours. Vico
attribue môme cette pensée à Descartes , que savoir le latin, ce
n'est rien savoir de plus que ce que savait la petite-fille de
Cicéron : Saper di latino non e saper piu di quelto che sapea
la fante di Ciceron. Penser et s'exprimer ainsi (quoiqu'il soit
douteux que Descartes se soit livré à cette boutade), c'est, pour
Vico, agir en iconoclaste. De là les invectives, la colère, l'ironie
même du philosophe napolitain ; car il a recours à toutes les
armes contre un homme dont les tendances et l'influence
menacent de détruire les sciences dont Vico a fait l'objet et la
consolation de sa vie.
   M. Bouillier, après toutes ces savantes et curieuses études,
termine son ouvrage par quatre chapitres consacrés à la philo-
sophie du XVIIIe siècle. Alors s'opère un revirement très-sin-
gulier, mais dont M. Bouillier a expliqué les causes avec sa
lucidité et sa sagacité habituelles. Au XVIIe siècle, le cartésia-
nisme est la philosophie à la mode, et l'on a vu comment il
avait été adopté, non seulement par tous les philosophes propre-
ment dits, mais par tous les grands écrivains, à l'exception de
Molière, et même par les gens du monde. Mais, en même temps
que la philosophie de Descartes obtient ces triomphes sur l'opi-
nion publique, elle est attaquée, poursuivie, condamnée dans
les universités, qui restent obstinément fidèles au péripatétisme.
Au XVIIIe siècle, l'inverse a lieu ; le cartésianisme est la doctrine
officielle, celle de l'autorité et celle des écoles ; mais, en même
temps aussi, les libres penseurs, ceux qui prennent orgueilleu-
sement le titre de philosophes, les gens du monde enfin, la re-
poussent et s'en éloignent de plus en plus pour se rattacher, en
méthaphysique, aux principes de Locke, en physique à ceux de