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              ELOUE DE LOUIS-GABRIEL SUCIIET.                '211

    « Monsieur l'abbé, lui dit le maréchal, ma mère m'ame-
«   nait souvent ici aux pieds de Notre-Dame. La religion de
«   cette mère chérie et de mon enfance se présente aujour-
«   d'hui à ma tristesse , avec toutes les tendresses du berceau,
«   avec toutes les perspectives dont elle a embelli l'autre côté
«   de la tombe.
    « Veuillez faire dire quelques messes ù mon intention. »
   Il déposa en môme temps plusieurs pièces d'or sur la table
où l'on enregistrait les offrandes , et alla ensuite à l'autel de
la sainte Vierge , où il demeura quelque temps prosterné et
recueilli aux pieds de la Reine des cieux. Déjà , dans une
autre circonstance , le duc d'Âlbuféra avait protégé le sanc-
tuaire de la Vierge. C'était après le siège de Sarragosse , en
1809. Il refusa , malgré les ordres réitérés de l'un des
minisires du roi Joseph , de porter une main profane sur les
riches offrandes faites par les grands et les rois d'Espagne à
Notre-Dame du Pilar.
    On a cependant tenté de souiller sa gloire en l'accusant
d'un acte de barbarie. Si nous ne faisions que le panégyrique
de Sucliet , nous devrions garder le silence sur une action
de jeunesse qu'il eût voulu ensevelir dans l'oubli. Mais nous
n'avons pas cru que la solennité de cet hommage dût exclure
la vérité..
    Les grands hommes sont plus soumis que les autres à
un examen rigoureux de leur conduite : chacun aime à les
appeler devant son petit tribunal. Les soldats romains ne
faisaient-ils pas de sanglantes railleries autour du char de la
victoire ? Ils croyaient triompher même des triomphateurs.
    Or, à l'époque où Toulon fut délivré des Anglais, un arbre
de la liberté avait été planté dans le bourg de Bédouin, au
pied du mont Ventous. Une nuit cet arbre fut coupé : la
 petite ville fut condamnée par ordre du Comité de salut pu-
 blic à être rasée cl ses malheureux habitants à être décimés.