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ÉLOGE DE LOUIS-GABRIEL SUCHET. 47 empire, l'agrandissement indéfini du système colonial et ma- ritime de la France, tel était l'attrait que présentait le ciel de l'Orient à Bonaparte. Ce général en chef eut de longs obstacles à vaincre, de rudes assauts à livrer, pour-fléchir les esprits froids et positifs du Directoire, pour arracher leur con- sentement à une entreprise aventureuse, qui exposait à tous les hasards une flotte et une armée françaises. Il sut persua- der et convaincre, et obtint enfin les arrêtés qui l'investissaient de tous les pouvoirs nécessaires, sur terre et sur mer, pour l'exécution de ce gigantesque projet. Ces arrêtés en confiaient le secret à son patriotisme, et le succès à son génie et à son amour pour la vraie gloire, suivant les expressions du mes- sage signé par Laréveillère, Merlin et Barras. Bien que ce projet ne parut alors qu'une de ces idées vaines et chimériques dont les imaginations ardentes aiment parfois à se bercer, il y avait là un avenir plus agréable que les at- traits que pouvaient offrir le ciel brumeux, la civilisation positive et prosaïque de l'Angleterre, alors qu'on venait de faire d'immenses préparatifs d'une descente dans celte île. N'était-ce pas se préparer avec cette puissance une lutte ter- rible, incertaine, les chances d'une invasion qui aurait tout au plus la durée du mouvement de la vague que la tempête jette sur le rivage? Au contraire, conduire sous un nouvel Alexandre des troupes qui rappelleraient les exploits des phalanges macé- doniennes, dans ces régions des merveilles chantées par les poètes, voilà qui semblait à Suchet la plus belle des destinées. Il embrassa les desseins de Bonaparte, mais certaines cir- constances vinrent changer sa destination. L'armée d'Italie était menacée d'une désorganisation com- plète, et Suchet, tête réfléchie, déjà consommé dans l'ad- ministration de la guerre, imperturbable en face des événe- ments, expérimenté dans la guerre des montagnes, reçut