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32            ÉLOGE DE LOUIS-GABRIEL SUCHET.

  et l'intérieur fut abandonné sans défense aux envahissements
  et aux violences de la démagogie. Toutefois la mise en scène
  qui accompagna la proclamation du danger de la patrie ,
  eût été impuissante à remuer les masses , si les puissances
 européennes n'eussent pas lancé leur manifeste. Mais l'ap-
 parition de ce défi souleva la France ; la guerre devint
 nationale et il s'ouvrit des campagnes mémorables.
     Deux faits dominent l'histoire de ces campagnes : la
 nouveauté de la stratégie , le grand nombre de capitaines
 illustres qu'elles suscitèrent. Privée de ses chefs et de la
 plupart de ses officiers par l'émigration , recrutée par des
 corps de volontaires enthousiastes, mais inexpérimentés,
 l'armée débuta sans traditions et sans principes militaires.
L'instinct des combats , le salut du pays donnèrent nais-
 sance à un système tout nouveau. Ce n'était plus cette
tactique prudente , ne procédant que suivant des règles
déterminées. Impatients de repousser l'ennemi , les Fran-
çais ne reculaient ni devant les lignes profondes des baïon-
nettes , ni devant les retranchements hérissés d'artillerie.
Les bataillons couraient au feu au cri de : Vive la nation !
et en chantant avec ardeur des hymnes patriotiques. Le suc-
cès justifia .partout celte audace. Uniquement occupée de la
lutte qu'elle soutenait contre les forces de la coalition ,
l'armée obéit à tous les gouvernements éphémères qui
tour à tour opprimaient les populations , à tous les pro-
consuls qui vinrent la décimer. Cet élan des soldats , celte
soumission absolue , môme envers un despotisme abhorré,
pouvaient devenir des armes invincibles entre des mains
audacieuses. Plus alarmée de ce symptôme que des forfaits
de la Convention , l'Europe suivait , avec un sentiment
d'inquiétude mêlée d'admiration , ces généraux, ces hommes
extraordinaires qui se révélaient sur les champs de bataille
et imprimaient à la révolution un mouvement inattendu et