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i 384 ÉTUDE SUR BLAISE PASCAL. obscur, inconsistant, et laisser l'esprit humain de toutes parts dans une effroyable incertitude. Ce doute, il est vrai, est plus apparent que réel ; les passages sceptiques sont éclaircis ou réfutés par d'autres. Le sentiment de l'existence ne ressemble pas aux autres sentiments, il est clair, constant, invincible. La raison est bornée, elle n'est pas impuissante. Les premiers principes sont indémontrables, mais ils sont en même temps évidents et incontestés. Bien que la re- ligion ne soit pas certaine, elle est aussi certaine, elle est plus cer- taine que tout le reste. C'est par l'usurpation, il est vrai, que les sociétés ont commencé ; mais ne pouvant fortifier la justice on a justifié la force, afin que la force et la justice fussent ensemble et que la paix fût; cela suffit pour sauver l'ordre. Qu'importe qu'il y ait impuissance de la science à définir ses premiers termes, s'ils sont compris, et qu'une fois admis, le reste suive sans obstacle ? Quant à la poésie, Pascal n'émet pas sur elle d'autre juge- ment que celui que j'ai cité; il est pourtant difficile de croire qu'un si grand écrivain fût insensible à la poésie ; la poésie est mère de l'éloquence. J'aime mieux dire qu'il avait en vue les vers de Ronsard, de Rotrou ou de Voiture. Tout au plus pour- rait-on admettre que ceux de Malherbe et de Corneille ne lui paraissaient pas la poésie véritable, celle qui est dans la nature et dans le cœur humain ; que les beautés qu'il était obligé d'y reconnaître lui semblaient, comme elles le sont en effet, de la même nature que celles de la prose, sobres, logiques, oratoires, philosophiques, et la poésie n'avoir rien en propre que les épi- thètes, les périphrases et les rimes. Tout se relève ainsi, le sol se raffermit. Cependant les passages de solution sont souvent séparés, éloignés des passages de négation ou de doute. Quoique la pensée corresponde, les tours, la forme logique ne correspondent pas toujours. On est ensuite troublé par le renversement de notions qu'on croyait assises, par l'établissement d'un ordre nouveau. Cet ordre n'est jamais d'ailleurs aussi complet, aussi justifié que l'ancien ; au lieu du raisonnement, ce n'est que le sentiment, au lieu d'une certitude qu'une probabilité,