Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
326                   VICTOR DE LAPRADE.

 vaient pas encore laissé de trace dans notre poésie. M. de
 Laprade a été le premier qui ail osé les y introduire comme
 éléments nouveaux , et du premier coup il leur a donné droit
 de cité. Avant lui, il y avait eu quelques tentatives dans ce
 genre; M. Quinet, notamment, avait écrit Aasvhêrm ; mais
 ce livre , malgré les lueurs , les éclairs qui s'en échappent,
 n'était, à vrai dire , qu'une ébauche , une esquisse confuse,
 une sorte d'épopée au fusin qui séduisait précisément par ce
 qu'il y avait de ténébreux et d'inachevé en elle. Son premier
 tort était d'appartenir à ce genre bâtard si excellemment en-
 nuyeux qu'on appelle le poème en prose ; de plus, sa lecture
 était difficile. On éprouve , en effet, en parcourant les pages
 brouillées de ce livre étrange , quelque chose d'analogue à
 l'impression d'un homme , qui , du haut d'un rocher, sous
  un ciel gris d'aulomne, assisterait à une revue des nuages et
 s'efforcerait de saisir dans leur évolution la loi même de l'his-
 toire , et dans leur mêlée fantastique l'image de la vie.
    Dans Psyché , c'est toute autre chose , le nuage est pour
ainsi dire devenu marbre ; il y a en effet de la métaphysique
et de la sculpture dans cette œuvre écrite sous la double ins-
piration de Platon et de Phidias. Cette singulière alliance est
caractéristique. Psyché est tout à la fois une Galatée et une
Sybille , une Nymphe et une Prêtresse; et chose à noter, car
là était l'écueil, le poète , dans cette œuvre , ne s'est posé ni
en voyant, ni en prophète ; il n'est ni le porte-voix d'un sys-
tème , ni le caudalaire d'un théoricien quelconque ; il reste
lui, sans esprit de secte , de coterie et d'école ; il reflète , à
sa manière , une des grandes tendances de son époque , sans
que le travail de l'abstraction se trahisse au dehors , sans que
le symbole dégénère en allégorie. Le troisième livre de Psyché
demeurera comme une des belles choses de la poésie de
ce temps, etpourque le poème entier conquière la popularité
qui lui est due , il suffira qu'une plume compétente le signale