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                           PÉLOPONÈSE.                           321
dent vers la mer jusqu'au fameux cap Matapan, ce gouffre qui
dévore les hommes et que tourmentent d'éternelles tempêtes. Ils
forment un petit peuple audacieux et avide de guerre et de bri-
gandages. Célèbres autrefois par leur courage, leur cruauté et
leurs instincts de piraterie, ils pillaient sans pitié les bâtiments
que l'orage faisait échouer sur leur côte inhospitalière, et atta-
quaient même ceux qu'ils voyaient surpris par un coup de mer,
et incapables de lutter à la fois contré les flots et contre eux.
Depuis qu'une législation plus forte et plus régulière s'est établie,
ils ne se font plus remarquer que par leur audace et leur fierté
natives ; cependant, ils ne résistent pas toujours à l'espoir d'un
coup de main avantageux, et se livrent parfois à des excès tantôt
impunis, tantôt réprimés énergiquement. La civilisation les gagne
difficilement ; ils resteront longtemps encore pirates sur la mer,
Clephtes dans les montagnes. Christophore acquit en peu de temps
sur ces farouches caractères une immense influence, dont mon
hôte me cita l'exemple suivant. Deux capitaines maïnottes, en-
nemis mortels, cherchaient depuis longtemps à satisfaire leur
haine. Leurs parents, redoutant un malheur et voulant empêcher
qu'ils ne se rencontrassent, les tenaient forcément enfermés chez
eux, et depuis plusieurs "semaines, ils n'étaient pas sortis. D'un
instant à l'autre, ils pouvaient échapper à la surveillance qu'on
exerçait sur eux et terminer leur dispute par un dénoûment san-
glant. Lorsque Christophore vint à Mani, les deux familles le
conjurèrent d'employer la puissance de son ascendant à rétablir
la paix entre ces deux hommes. En effet, celui-ci les vit, leur
parla et les convainquit si bien qu'au bout de quelques jours
ils se réconcilièrent complètement. Mais, pour notre moine, ces
belles actions n'étaient que de rares épisodes de sa vie errante.
Peu de mois après l'époque où je passai par là, les désordres et
les scandales se multipliaient à son instigation. Il s'installait en
maître dans les villages, chassait les honnêtes caloyers (curés),
et poussait le peuple à l'insurrection. Le gouvernement dut enfin
sévir, et lui intima de se taire et de rentrer dans le monastère
dont il n'aurait pas dû sortir. Ces avertissements ayant été inu-
tiles , ordre fut donné de l'arrêter partout où on le trouverait.
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