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314 PÉLOPONÈSE.
d'un Glephte qui parut à ce moment vis-à -vis de nous fit éva-
nouir le prestige , et le son rauque de sa voix, qui nous disait
bonjour, dissipa le dernier écho des tendres paroles que j'en-
tendais mystérieusement au dedans de moi.
A partir de là , le paysage s'agrandit un peu ; le chemin
côtoie d'en haut la petite rivière Krionéro (eau froide), qui coule
entre deux rives vertes et assez bien cultivées. Des hommes et
des femmes récoltaient dans un champ la plante sèche du maïs,
et formaient une scène animée par la variété de leurs attitudes,
la bigarrure et l'éclat de leurs costumes. Ils travaillaient bruyam-
ment, car le Grec aime les discours et les chansons. Quand nous
passâmes, ils nous saluèrent de loin, et se permirent même de
nous adresser quelques quolibets qu'il fallut bien attribuer à leur
bonne humeur, fruit d'une abondante récolte. Aucune trace
d'habitation ne se laisse apercevoir dans le pays environnant ;
on eût dit de ces hommes une tribu errante, recueillant sur ses
pas les fruits que la Providence avait ensemencés pour elle et
s'épanouissant au soleil, sur le bord de l'eau, comme une
touffe de fleurs étrangères. Nous fîmes une courte halte au khan
de Kravatachani, maison isolée sur le coteau qui domine le
Krionéro. Il n'est guères d'usage de passer devant ces khans
échelonnés si loin les uns des autres sans s'y arrêter pour pren-
dre un verre de raki, et boire à la santé de l'hôte qui, de son
côté, boit à la vôtre et vous accable des souhaits d'usage.
« Allez, allez en paix ! bonne arrivée ! que votre père , votre
mère, vos enfants et tous les vôtres se portent bien ! que vos
années soient nombreuses ! etc. , etc. ». Et l'on repart au galop,
fort heureux souvent d'avoir échangé quelques paroles avec des
gens affables et pleins de cordialité.
, Ges lieux furent le théâtre d'un grand combat entre les Turcs
et les Grecs. Je ne pus recueillir le nom de ceux qui y figurèrent ;
ce que je sus, c'est que les Grecs, fort inférieurs en nombre,
comme toujours, firent un grand carnage de leurs ennemis,
précipitèrent du haut des coteaux dans le fleuve leurs bataillons
vaincus, et eurent des pertes nombreuses à déplorer. Le labou-
reur trouve encore aujourd'hui dans le sillon qu'il creuse des