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278 ÉTUDE SUR BLA1SE PASCAL. la fortune, la forme et le style. Néanmoins, pour dire la vérité, les citations, les extraits des livres des Jésuites qui furent se- més dans les Provinciales, les doctrines monstrueuses qu'ils semblaient révéler et qui révoltèrent tous les lecteurs firent une grande partie du succès. On a là dessus accusé sa bonne foi. Il est pourtant difficile de croire qu'un homme comme Pascal, uniquement occupé de religion et aussi peu avide de gloire, de puissance et de tout ce qui fait le souci des hommes, ait, de parti pris, pour l'honneur d'une doctrine dont il n'était point l'auteur, pour la défense d'amis qui lui étaient certainement moins chers que la vérité et la vertu, ait, dis-je, sciemment menti, calomnié, accumulé les imputations les plus graves, les plus odieuses contre des religieux, contre des hommes qui ne lui avaient fait aucun mal. Mais , sans aller fouiller Escobar, Suarez et autres livres oubliés dans les bibliothèques, il n'est pas moins difficile de croire que des théories aussi monstreuses que celles que Pascal leur attribue aient été réellement inventées par les membres d'un corps religieux, aient passé avec l'approbation de leurs su- périeurs et avec le silence de l'église. Crédulité et inexpé- rience de la part de Pascal, passion et entraînement de la part de ses amis, innocence ou tout au plus exagération du côté des Jésuites, voilà , je pense, la vérité sur ce point. Quoiqu'il en soit, le succès des Provinciales fut immense ; les théologiens les lurent; les hommes du monde les lurent; les femmes les lurent ; la grâce et l'esprit de Pascal charmèrent, les citations des Jésuites révoltèrent ; la masse flottante du pu- blic qui déjà penchait pour Port-Royal tourna décidément de son côté. Les Jésuites eurent beau répondre, leur talent n'éga- lait pas leur ardeur, l'impression était produite, ils restèrent condamnés dans l'opinion. La renommée et le génie se trouvant du côté de l'erreur lui donnèrent les apparences de la vérité. Une chose aussi contribua fortement à la défaite des Jésuites, chose qui en apparence eût dû les servir, l'appui du roi ; ils curent l'air de persécuteurs et devinrent odieux. Au milieu du succès des Provinciales, le débat avait grandi ;