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128 DISCOURS DE M. EICHHOFF. l'éruditioa, de l'élégance, sous l'égide puissante des Mé- dicis -, et les autres cités de l'Italie, Rome, Naples, Milan, Gênes, Venise, acceptant le joug d'an pouvoir qui leur laisse les loisirs de la science, subordonnent la liberté à l'ordre, l'orgueil de la victoire aux jouissances de la paix. Une vive et généreuse émulation excite toutes les intelligences ; partout même ardeur, même succès. L'imprimerie était venue éten- dre et immortaliser la pensée ; Colomb fait apparaître un monde ; et les lettres, les sciences et les arts répandent tout leur éclat sur l'Italie. Deux siècles venaient de s'écouler au milieu des phases les plus diverses et d'une foule d'essais pleins d'espoir, quand on vit naître une nouvelle épopée non moins riche, non moins ad- mirable,quoique offrant avec la précédente le contraste le plus absolu. H faut se rappeler comment la société s'était transfor- mée dans l'intervalle; comment les mœurs, les idées, les prin- cipes avaient radicalement changé, pour comprendre l'abîme qui sépare le poème du Dante de celui de l'Àrioste. A l'austère érudition scolastique avaient succédé les traditions classiques, aux luttes sociales une molle indifférence^ la naïveté la finesse et l'éclat. L'Arioste unissant la tendresse de Pétrarque au sou- rire narquois de Boccace, s'appropriant avec bonheur les ca- ractères ébauchés avant lui par Politien et Boïardo, en fait les agents de ses pensées, les mobiles de ses inspirations toujours piquantes, incisives, colorées, étincelantes de verve et de fraî- cheur. Prêtres et laïcs , chevaliers et guerriers, nains et géants, châtelaines et'enchanteurs, forment l'immense galerie de son poème dont les émouvants caractères unissent à l'héroïsme antique la galanterie chevaleresque du moyen-âge, et l'esprit inépuisable de l'auteur. Le Roland Furieux est un vaste miroir où vient se refléter la société humaine, avec ses pompes et ses misères, ses pré- tentions et ses mécomptes, ses vertus et ses ridicules évoqués