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DISCOURS DE M. ËICHHOFF. 123 du milieu des ruines, et inspira aux intelligences une exal- tation généreuse. Ce fut l'aube d'une nouvelle existence, le réveil de l'esprit moderne, que saluèrent de leurs voix naï- ves, en vue de la Méditerranée , poétique Océan d'Homère, les bardes guerriers, les troubadours, sous l'image gracieuse du printemps. Bientôt les ingénieux trouvères leur répondent? des rives de l'Atlantique , les ménestrels égaient de leurs chants les noirs donjons de l'Angleterre; les tendres et enthou- siastes minnesingers confient leurs espérances aux forêts de l'Allemagne. Mais où sera le poète inspiré qui, résumant ces sentiments divers, les épurant aux ardeurs de la foi et les illuminant de sa pensée, s'élèvera du sein des ténèbres accu- mulées par dix siècles de luttes, de cruautés et de misères, i\ l'intuition du génie, à l'idéal de la beauté céleste? L'Italie produira le Dante, et, d'abord surprise, effrayée de ce mer- veilleux enfantement, elle saisira bientôt les imposantes ima- ges déroulées en foule à ses regards; elle se pénétrera de cette mâle poésie, s'inspirera de ces pensées sublimes, et, comprenant sa mission glorieuse, elle marchera de nouveau à la tête de l'Europe* Au réveil de la littérature, Dante nous apparaît le premier dans son énergie majestueuse, Dante, l'Homère des temps modernes, le chantre du symbolisme chrétien, l'éloquent interprète des émotions de l'âme en présence de l'éternité. Sous le titre étrange de Divine Comédie, oa plutôt de Drame Divin, son œuvre embrasse la vie humaine dans son dévelop- pement le plus vaste, le plus varié, le plus dramatique, dans ses passions les plus ardentes, dans ses aspirations les plus sublimes. Quel sera le héros d'un tel poème, le centre de cette galerie mouvante de portraits animés qui, des sombres demeures, des limbes expiatoires, des célestes splendeurs, reviennent à la réalité de la vie pour effrayer, consoler et instruire les compagons futurs du sort qui les enchaîne? Que