page suivante »
DE LA PUISSANCE ECCLÉSIASTIQUE AU MOYEN-AGE. 465 et les princes de sa maison, qui contribua précisément à la grandeur de la France, alors replacée à la tête de l'Europe. Quel était, et comment devons-nous le juger, ce double gouverne- ment du moyen âge , auquel sont attachés les grands noms de saint Bernard, d'Innocent III et de saint Louis ? Je n'ai pas caché mon admiration profonde pour le génie poli- tique de Grégoire VII et d'Innocent III, dont les noms trop écla- tants en font pâlir beaucoup d'autres qui auraient pourtant mérité une célébrité presque égale, parmi ceux des pontifes qui les ont suivis. Rarement, sur aucun trône, il y eut une succession moins interrompue de grands hommes que sur le trône ponti- fical, au XIIe siècle et même au XIIIe. Les historiens ne pou- vaient s'y tromper. Tous, admirateurs ou détracteurs, ont attri- bué à la papauté la direction suprême des affaires de l'Europe pendant ces deux siècles. Pour ma part, je me suis rangé sans hésitation au nombre des premiers. Je n'ai rien dissimulé ni des violences d'Innocent IV contre l'empereur Frédéric II, ni des complaisances des papes français pour les intérêts de Charles d'Anjou et de ses descendants. Je n'avais pas à faire un pané • gyrique ; cependant, sans attribuer à la papauté une infaillibilité politique à laquelle ses plus intrépides défenseurs n'ont jamais prétendu, il faut bien rappeler que le droit était du côté des Grégoire VII, des Alexandre III, des Innocent III, ainsi que des Thomas Becket, dans leurs luttes contre les couronnes, qu'ils ne faisaient que défendre les libertés violées de l'Eglise, ou exercer des pouvoirs qui lui avaient toujours appartenu, et dont leurs plus grands adversaires ne leur contestaient pas directement l'exercice. Il faut rappeler aussi que l'Europe eut rarement, si elle en eût jamais, de politiques plus grands, plus désintéressés et plus heureux. Mais quelle était cette autorité des papes ? En quoi consistait- elle , et jusqu'où s'exerçait-elle? Quand on parle de monarchie pontificale, de théocratie universelle, qu'entend-on par ces mots ? Tâchons d'éclaircir ces points et de dissiper des nuages d'au- tanf plus épais, que les droits et les pouvoirs de la papauté n'é- taient écrits dans aucune constitution , dans aucune charte , et 30