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308 JACQUES LISFRANC. portée jusqu'au paroxisme, a été publié par un journal de mé- decine auquel nous l'empruntons. Voici ce trait: Une opération grave qu'il avait préconisée et soutenue de toute la force de son talent souleva contre lui une guerre à la- quelle prit part un jeune chirurgien d'un mérite déjà reconnu et •lui n'a fait que grandir depuis. Les réponses de Lisfranc por- taient au plus haut point l'empreinte de cette rudesse qui était l'un de ses traits les plus saillants. Nulle épithète blessante ne fut épargnée, Lisfranc eut de ses mots qui entrent dans le cœur de l'homme comme un coup de poignard. A quelque temps de là , une place devint vacante à l'Académie de médecine, et le chi- rurgien dont nous parlons se présenta pour l'obtenir. Les luttes qu'il venait de soutenir contre le rude athlète de la Pitié étaient au nombre de ses titres, et, à coup sûr, la dernière voix qu'il comp- tât parmi celles qui devaient assurer son triomphe était la voix de Lisfranc ; cependant la voix de M. Lisfranc fut pour lui, et M. Lisfranc fit plus encore, il l'appuya , le poussa, le recom- manda ; et comme on s'étonnait de ces dispositions bienveil- lantes.- » Quand il s'agit, dit-il, de récompenser le talent et la science, c'est toujours avec ma tête que je vote et non avec mon cœur. Lisfranc se trompait ici; ou bien c'était encore l'enveloppe factice qui parlait. La tète, chez Lisfranc, n'aurait pas fait à elle seule ce que Lisfranc faisait en cette occasion, si le cœur n'eût parlé plus fort. Ici, encore une fois, ce cœur oubliait l'injure et ne voyait qu'un jeune talent à protéger. Un autre trait , autrememt plus caractéristique , couvre cette noble vie d'une éternelle absolution. Les événements de 1832 avaient amené dans la salle de la Pitié un certain nombre de citoyens dont les blessures offraient plus ou moins de gravité. Dans ce nombre se trouvaient à coté des gardes-nationaux des patriotes qui pouvaient être fort compromis. Lisfranc les sauva doublement en les arrachant à la mort et à la justice de l'état de siège qui les attendait. Il ne crut pas avoir assez fait en leur rendant la liberté ; il eut encore soin de leurs familles pendant