page suivante »
LA COUSINE BRIDGET. 500 11 y aurait pourtant bien assez d'ouvrage pouf vous, si vous vou- liez le faire ! Marchez donc ! A ces mots, la jeune fille recula et devint pâle, et baissa la tête, disant assez , par ce geste, combien elle était accoutumée à voir les arguments maternels se renforcer ordinairement d'un soufflet. La mère était une petite femme encore jolie, propre, serrée, industrieuse comme une abeille. Elle était veuve, et c'était sur son travail que reposait son existence et celle de ses deux enfants. Janey, l'aînée, était une source de continuelles inquiétudes pour cette femme laborieuse et énergique. Pénétrée d'une horreur intime pour tout ce qui tenait de l'oisiveté, de la malpropreté, de la négligence, et voulant guérir sa fille de ces défauts, elle ne s'apercevait pas qu'elle prenait pour cela les moyens les plus dé- testables , et que les corrections rendaient dix fois pire la mal- heureuse enfant. La plus jeune fille était exactement l'inverse de la pauvre Ja- ney, et la copie de sa mère. Jolie, fine, dégagée, l'œil vif, elle était naturellement l'enfant chérie et gâtée. Tout ce que faisait Peggy était toujours bien , mais c'eut été mal, si Janey l'avait fait. Janey avait trois ans de plus que Peggy; quoique, à en juger par l'intelligence, on eût pu croirele contraire. Plus mistress Mallet grondait Janey, plus le peu de raison de celle-ci diminuait. Incapable de rien comprendre dans ces mo- ments, elle demeurait immobile, le regard fixé sur sa mère irritée, tandis que de grosses larmes roulaient le long de ses joues. Du reste, jamais elle ne répondait avec aigreur, et ne ma- nifestait même aucune colère. Elle n'agissait jamais d'une ma- nière sotte ou ridicule, sans le marquer par un rire éclatant j bien persuadée qu'elle venait de faire preuve d habileté. Cela durait jusqu'au moment où un soufflet de sa mère la rappelait à la réalité pour lui montrer son erreur. Ces traitements absurdes étaient en train de faire un mal in- calculable à la pauvre fille, lorsqu'un brillant rayon de soleil, descendu sur le village, vint dissiper les nuages suspendus sur