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408              DE L'ESPRIT DE LAFONTAINE.
Lafontaine. Lui qui imitait a été appelé l'inimitable, honneur su-
prême que n'ont obtenu ni Racine, ni Corneille, ni même Mo-
lière.
    Par une faveur vraiment providentielle, aucune des qualités
nécessaires à Lafontaine pour mener son œuvre à bien ne lui a
manqué. Les principales et les secondaires, il les a toutes pos-
sédées, il naquit juste à ce moment où le XVIe siècle n'était point
assez éloigné de lui pour qu'il n'y pût goûter, et où le génie du
XVIIe siècle était assez manifeste pour qu'il ne pût se dérober à
 son influence ; au premier il emprunta la grâce, la liberté, la fi-
 nesse naïve, au second la pureté, l'élégance sévère, ce goût épuré
 et définitif, sans lequel il n'y a pas d'oeuvre classique. De tous
 les grands écrivains, ses contemporains, il est, sans contredit,
 celui qui a le plus retenu du XVIe siècle ; sa bonhomie, sa naïveté
 ne sont-elles pas le reflet adouci de la bonhomie et de la naïveté
 de nos vieux auteurs ? II est le nœud des deux siècles, c'est le
 dernier sourire d'une littérature qui disparaît. Vous figurez-vous
 un Lafontaine rigoureusement classique, classique à la façon de
 Boileau ou de Labruyère, parfaitement dépouillé de tout ce
  qui rappelle le vieil homme des âges précédents ; et, les prenant
 en pitié, comme trop incultes et indignes de lui, aurez-vous alors
 le vrai Lafontaine, ce Lafontaine qu'on aime presque autant qu'on
  admire ? Où seraient cette naïveté, celte bonhomie, ce sel gau-
  lois, cette finesse moitié souriante, moitié goguenarde, ce je ne
  sais quoi qui sent son terroir, sa race, et qui nous séduit comme
  une qualité de famille.
    Lafontaine eut du bonheur jusque dans le premier maître qu'il
 rencontra ; en n'écoutant que son goût et ses instincts, il risquait
 de retourner tout-à-fait en arrière, attiré qu'il était par maître
 François et maître Clément, et par tout ce XVIe siècle enfin, si
 approprié à sa propre nature. Malherbe le retint et le fixa dans
 le XVIIe ; mais Malherbe aussi, c'est Lafontaine qui l'avoue,
 faillit le gâter. Cette langue raide, ce vers tendu, qui demande à
 être déclamé, ne convenaient pas à sa manière. Dans sa Lettre à
 l'Académie, Fénelon se plaint déjà du langage appauvri, dessé-
  ché, gêné des grands écrivains de son temps, combien Lafon-