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322 UNE PROMENADE artiste, peu adorateur des souvenirs, peu croyant , et encore moins scrupuleux dans les moyens, avait le projet de rebâtir Rome sur un plan nouveau, et d'approprier, pour lui seul, les diverses constructions du Palatin. Il s'agissait de faire table rase : l'incendie fut son ministre. Le feu commença dans le quartier du grand Cirque, et chemina rapidement et docilement, suivant la volonté du maître. Il détruisit les monuments les plus res- pectables, consacrés par la vénération du peuple, l'Ara maxima, le temple de Jupiter-Stator, celui de la Lune, fondé par Servius Tullius, celui de Vesta, etc. Le Forum, le Palatin et jusqu'à l'Es- quilin, tout fut la proie des flammes. Jugez, d'après cela, com- bien les souvenirs matériels, recherchés des archéologues, furent déjà effacés à cette époque. De nouveaux bâtiments s'élevèrent sur les anciens, et" la Domus aurea s'étala insolemment sur le Palatin et l'Esquilin. Les successeurs de ce fou furieux poursui- virent sa triste mémoire, et les Thermes de Tite recouvrirent une partie du palais, resté inachevé par suite de l'insurrection préto- rienne et de la mort de Néron chez son affranchi Phaon (1). Je repassai sous les immenses voûtes, souvenir de Caligula, au moins par leur emplacement, car l'oncle maternel de Néron avait établi son palais sur cet angle du Palatin. Parvenu sur la terrasse qui a vue sur la Voie sacrée, je mesurais de l'œil la dis- tance existant entre l'angle susdit et l'église d'Araceli ; je tâchais de reconstruire, dans mon imagination, l'immense pont bâti par Caligula, pour servir de communication facile entre sa demeure et le temple de Jupiter-Capitolin ; je calculais l'élévation des arcs qui franchissaient les temples nombreux de ce quartier, et je réfléchissais aux ridicules impiétés du maître de l'Empire ro- main. La construction par lui de ce gigantesque viaduc avait pour objet de rendre de fréquentes et faciles visites à son ami (i) Les thermes de Tite offrent un exemple très-curieux de ces diverses couches de monument, élagées les unes sur les autres. Construits au-dessus du palais de Néron, ses lignes en sont absolument indépendantes. Au-dessous de ce second bâtiment, on a retrouvé les traces d'un pavé mosaïque, dont les lignes ne sont ni parrallèles ni rectangulaires avec celles de la Maison darde.