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110 BULLETIN MONUMENTAL et des changements brusques qui règne parmi nous. — Il est vrai que la spéculation privée des architectes et des en- trepreneurs a presque seule déterminé les rapides méta- morphoses dont nous sommes témoins , métamorphoses que l'esprit public lyonnais n'invoquait pas, quoi qu'en puissent dire les frénétiques amis de la nouveauté. C'est ici toute une révo- lution de rues, un changement d'aspect absolu, au centre de la cité : Lyon a fait peau nouvelle, il est méconnaissable. — Et pendant que ma vénérable rue Mercière, la rue littéraire et his- torique par excellence , la rue des J.-B. Girin, des Antoine Boudet, des Tournachon-Molin , des Périsse majores, etc., se meurt de chagrin et de délaissement, sa fière rivale poursuit sa marche triomphale dans la région la plus homogène, la plus compacte de la ville, brisant toutes les résistances, pulvérisant tous les obstacles. — Que deviendra, je le demande encore , ce boyau continu des petite et grande rues Mercière, via merca- toria des bibliopoles, imprimeurs et bouquinistes lyonnais des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, parallèle à la rue Centrale ? — Ah ! oui, j'ai pleuré, et pleure amèrement encore en son- geant à tant de prospérité à droite et à tant d'infortune , tant d'oubli à gauche. Les rues Mercière me rendront cette justice, c'est que j'ai plaidé leur cause avec chaleur, foi, persévérance. Si nous avons succombé, assurément ce n'est pas sans avoir lutté contre la mort. Les locataires et propriétaires de ces rues ont un moyen de ramener le public dans leur sein. —Je l'ai in- diqué en 1849, dans le Courrier de Lyon. — Que dans cette région lyonnaise se réunissent exclusivement les grosses indus- tries spéciales, qui n'ont besoin ni du fracas des boutiques , ni du charlatanisme des devantures. On sera bien forcé d'aller les chercher là où elles seront. — Mais, parlons de la rue Centrale. Lyon, vraiment, est aujourd'hui comme un jeune homme qui aborde un ordre d'idées avec d'autant plus d'impétuosité, qu'il n'y était pas préparé, et, du jour de son émancipation , ne con- naît plus de frein, plus de limites. Qui aurait préjugé, il y a dix ans seulement, qu'une large et hardie trouée unirait, en ligne presque directe, Bellecour aux Terreaux ? Ce n'est qu'à la fin de