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RÉCEMMENT IMPRIMÉS A LYON. 71 haussement d'épaules, plus terrible pour le malheureux auteur que le froncement de sourcil de Jupiter Olympien. Rien de tout cela n'arrive au livre qui se donne et ne se vend pas. La destinée lui sourit au contraire, heureuse et facile. Il n'a été tiré qu'à très-petit nombre, ce qui en centuple la valeur, s'il en a une intrinsèque , ou lui en donne une de convention, s'il n'en a pas de réelle. Il n'est pas trop volumineux ; le papier est d'un beau grain, c'est un papier de Hollande ; l'impression en est soignée ; enfin, le frontispice , gravé ou polychrome, offre mille petits détails pleins de recherche et de coquetterie. Le propriétaire de ce bijou le cache soigneusement aux re- gards profanes ; mais, qu'il rencontre un amateur délicat, et la charmante plaquette passe aussitôt de sa main dans la main amie. Comme elle est bien reçue ! Comme elle est fêtée, choyée, admirée ! On la fera tout aussitôt couvrir d'une élégante reliure, que, cette fois, on ne marchandera pas, et la place d'honneur lui sera réservée sur les tablettes de chêne. Il appartient à cette précieuse catégorie des raretés bibliogra- phiques, le petit volume sorti des presses élégantes de M. Léon Boitel, et éclos, si je ne me trompe, à l'heure de la révolution de Février, comme une gracieuse fleur des bois un jour d'orage. Sous son titre modeste, le livre dont je parle contient un choix de pensées fines, spirituelles, ingénieuses, mais surtout d'une inexprimable délicatesse. Je ne citerai pas comme parallèle, ou point de comparaison, les maîtres du genre, ou ceux regardés comme tels, parce que si l'auteur des Pensées leur est inférieur par certains côtés, il les surpasse tous par la sensibilité, la dou- ceur et le charme incomparable des définitions. A voir la délica- tesse de touche avec laquelle l'auteur parcourt d'un bout à l'autre le clavier du cœur humain, il est facile de deviner,'dès la première page, que cette main, si fine et si légère, est une main de femme. Heureuse la femme capable de voir et de sentir avec une si rare perfection de cœur, et qui peut exprimer ses sen- timents dans ce mol et charmant langage ! Peut-être croira-t-on que je cède ici aux entraînements de l'a- mitié, ou à ses illusions. Il n'en est rien cependant. Je sais ce.