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                    DE QUELQUES OUVRAGES                         67
la main du bourreau, et tout aussitôt, M. le duc d'Orléans, M. le
prince de Conti, ou M. le duc de Luxembourg, prenait l'écrivain
sous sa protection pour le mettre à l'abri des réquisitoires et de
la prise de corps. Le pamphlétaire, ou l'encyclopédiste, qui venait
de conquérir cette inviolabilité triomphale, en profitait ordinai-
rement pour débiter, avec l'aide et sous le couvert de son haut
protecteur, le livre ou le libelle qui semblait n'avoir encouru les
rigueurs du Parlement, ou les prohibitions du lieutenant de po-
lice, que pour les braver plus impunément et avec un plus grand
éclat.
   Ce n'était pas tout que d'avoir, les gens de lettres pour clients,
de les défendre contre les arrêts de la justice, et d'être même les
hardis contrebandiers de leurs Å“uvres, quelques grands sei-
gneurs se firent encore imprimeurs. On eut une imprimerie dans
les dépendances de son château, comme on y avait un théâtre ; et
si, plus d'une fois malheureusement, ces sortes de scènes ser-
virent à des jeux dont les marquis libertins, les abbés galants
et les nobles impures d'alors savouraient à huis-clos l'obscénité,
les imprimeries particulières ne restèrent pas étrangères non plus'
à certaines publications honteuses, et fournirent, elles aussi, leur
tribut à la démoralisation du siècle. C'est ainsi que, dans les
dernières années du règne de Louis XVI, d'atroces libelles furent
publiés en France, sans avoir besoin de recourir aux presses de
Londres ou d'Amsterdam, en possession, depuis longues années,
de ce genre de spéculation. Quelque temps auparavant, en 1727,
le marquis de Lassay avait édité, à son château de Lassay, la
chronique scandaleuse de l'époque, et, peu d'années après, le
duc d'Aiguillon déshonorait son nom, en imprimant, dans sa
terre de Veretz en Touraine, l'infâme recueil dont je ne citerai
pas même le titre, et dont il n'existe heureusement que sept
 exemplaires connus.
   Je me hâte de dire que ce sont là des exceptions. Je dois même
ajouter qu'elles furent rares, et que le plus grand nombre d'im-
primeries particulières du siècle dernier ne servirent jamais qu'à
la publication d'ouvrages sans danger pour les mœurs ou la re-
ligion. La mémoire de Sully n'a point à rougir de l'imprimerie