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46 NOTICE SUR DECHAZELLE. rageant les jeunes gens qui montraient quelque disposition pour cet art. Parmi ceux qui profitèrent de ses libéralités et de ses conseils, je citerai d'abord Hennequin, dont les brillantes dis- positions présageaient de plus heureux succès ; puis un jeune homme qui, sans maître et sans modèle, essayait de peindre le paysage d'après nature. Surpris de ses premiers essais, M. De- chazelle lui fit copier quelques bons tableaux pour lui enseigner, par la pratique, quelques procédés des Hollandais dont il démon- trait la théorie, et l'ayant fortifié dans sa résolution de prendre toujours la nature pour modèle, le jeune Grobon, doué du senti- ment delà couleur, aidé par de simples conseils, parvint, à force de persévérance, à acquérir ce beau talent qui obtint un brillant succès aux Salons de 1796 et de 1806. L'année avant sa pre- mière exposition, je fus présenté à M. Dechazelle, qui était retiré à la campagne, où son ardent amour des arts lui faisait accueillir tous ceux qui en avaient le goût ; la peinture des fleurs ne suffi- sant pas à l'activité de son imagination, il croyait trouver un moyen d'en répandre la surabondance en l'inoculant, pour ainsi dire, dans l'esprit des jeunes gens qu'il jugeait dignes de quelque intérêt. J'eus le bonheur de lui plaire, car il vint à Lyon pour dis- poser mon père à m'envoyer étudier la peinture à Paris. A l'é- poque fatale du règne de la Terreur, M. Dechazelle avait quitté Lyon pour se retirer à la campagne ; mais il n'était pas organisé pour vivre aux champs, son imagination ne pouvait rester oisive ; le commerce avait occupé ses jeunes années ; mais son instruc- tion et sa capacité l'auraient rendu très-capable de remplir des fonctions administratives, et il eût obtenu un rang distingué dans la magistrature, si l'ambition l'avait porté à suivre cette noble carrière ; si son éducation eût été dirigée à l'étude spéciale de la peinture, il possédait toutes les qualités nécessaires pour devenir un grand peintre d'histoire. Doué d'une vaste intelligence, d'une mémoire heureuse, enrichie par une instruction aussi étendue que variée, sa brillante et féconde imagination avait besoin d'une arène plus grande et plus noble que celle dans laquelle elle se trouvait restreinte par la peinture des fleurs. Aussi, dans son solement, se plaisait-il à s'entourer de jeunes artistes auxquels