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L'ANE ET LA VIGNE, FABLE. Rarement l'inventeur recueille le salaire Que son œuvre aurait mérité. Heureux encore, heureux, honteuse vérité! Si son bienfait n'excite une aveugle colère. Chacun sait qui planta la Vigne le premier ; A vrai dire, il en eût d'abord le bénéfice. Mais qui donc enseigna plus tard à la tailler ? L'histoire n'en a pas donné le moindre indice. Or, voici ce qu'on m'a conté .- La vigne, au temps jadis, croissait à l'aventure, Et perdait, faute de culture, Un tiers de sa fécondité. En rameaux vagabonds, en feuillage inutile, Chaque plan s'épuisait en vain, Et plus gracieux que fertile, Donnait toujours beaucoup d'ombrage et peu de vin. La chose allait ainsi quand, par hasard, un Ane, Rassasié de ses chardons, Vint porter une dent profane Sur un cep qui déjà se parait de bourgeons. Il tailla largement. L'homme accourt et se venge, Maudissant les écornifleurs, De la dîme qu'il croit levée à sa vendange.