Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
[ Revenir aux résultats de la recherche ]
page suivante »
412                   DE L'UNITÉ DES ARTS.
 matérialiste ne cherche qu'à produire des sensations agréables
 n'importe par quels moyens ; or le monde des sensations et des
 appétits est de sa nature un monde désordonné, et le désordre
 est le contraire de l'art. Le monde de l'esprit est, au contraire,
 celui des lois fixes, des règles immuables de l'harmonie ; l'art spi-
ritualiste, pour se conformer à ces règles, n'a qu'à suivre sa pro-
pre pente et ces règles le mènent infailliblement vers le beau.
    Là seulement, au sein du beau, se confondront les routes di-
verses qui nous y conduisent ; c'est de ce centre générateur que
rayonne, c'est vers lui que converge l'idée de l'unité des arts ; en
dehors de ce centre, la diversité règne parce que c'est le relatif
et le fini qui commencent. Cette source infinie où résident dans
leur essence toute beauté, toute sagesse et toute vie, vous n'a-
vez pas besoin que je vous dise son nom. Cette beauté qui ja-
mais ne sera pleinement aperçue en ce monde, c'est elle dont
les arts sont appelés à nous manifester chaque jour une face,
une perfection nouvelle. Celui-là est le but commun de tous
les arts, qui est lui-même l'éternel artiste. A lui seul appartient
d'unir dans une même création tous les éléments du beau, de
confondre sous sa main tous les arts dans un art général ; de
mêler dans une œuvre la couleur et le mouvement, la forme
et la mélodie, parce que lui seul dispense le don mystérieux de
la vie.
    L'art peut tout imiter dans la nature, il peut reproduire tout
ce qu'il est donné à l'homme de sentir et de concevoir, excepté
 la vie. Je me trompe, et je mets des bornes trop étroites à la
 noble puissance de l'art ; il est vrai que Fart ne saurait douer
de la vie sensible les Å“uvres de ses mains ; mais il fait plus,
il pénètre victorieusement dans notre cœur, il embrase, il ali-
 mente , il aggrandit en nous par l'enthousiasme du beau, le
foyer de la vie morale, et, selon les paroles du divin Platon, il
 fait croître dans notre âme les ailes qui l'emportent vers le prin-
cipe de toute vie.
                                   VICTOR DE LAPRADE,