page suivante »
340 CONSTANTIN LE BRACONNIER. disait-il, ma foi non, le Gouvernement ne vous attend pas ! > > Et ce fut fini. Alors il monta une modeste auberge pour les chasseurs. Pour cela, il fit l'acquisition d'une petite grange, à côté de son an- cienne résidence, donna généreusement six francs d'arrhes sur le marché, et commença, sur ses vieux jours, la vie de proprié- taire. 11 n'en jouit pas longtemps : deux ans après son instal- lation, un refroidissement, gagné à l'affût, l'emportait dans un monde meilleur. Pauvre Constantin, je ne puis sans attendrissement me, rappe- ler les bons moments que nous avons passés ensemble, le charme de nos longues causeries, l'esprit naturel, le bonheur d'expres- sion, les saillies pleines de verve et de gaîté dont sa conversation pétillait. Jamais une parole méchante, un mot de colère n'échap- pèrent à ses lèvres ; malgré toute une vie de misère et de priva- tions, jamais la loyauté, l'angélique simplicité de son cœur ne faiblirent un instant. Je le regrette comme le plus aimable com- pagnon, comme le meilleur des hommes, comme un ami dévoué. 11 m'a semblé qu'il était de mon devoir de rappeler le sou- venir de mon brave camarade ; j'ai rempli cette tâche comme j'ai pu, bien imparfaitement, sans doute. Ceux qui n'ont pas connu Constantin trouveront peu d'intérêt dans mon long ra- contage et ne le comprendront pas ; quant aux vieux habitués du marais, aux vieux brûleurs de poudre, l'intention me vaudra leur indulgence. PAUL BUFFARD.