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354 LETTRES SUR LA SARDAIGSE. blanches, cachées dans un bois d'oliviers. C'est un saint mo- nastère, où quelques capucins passent leur vie dans la prière el la rêverie. Une terrasse spacieuse, rendez-vous habi- tuel des promeneurs, règne le long des murs du couvent. De là , le regard enchanlé se repose sur un océan de verdure et va se perdre dans l'immensité de la mer et du ciel qui se confondent h l'horizon. Au-dessous, le terrain s'entr'ouvre et forme un petit vallon, d'où s'élancent les cîmes on- doyantes des tulipiers el des Ihérébinles, et d'où monle sans cesse le murmure harmonieux d'une eau jaillissante, un concert incessant d'éclats de rire et de joyeux refrains. C'est qu'au fond du vallon est située la fontaine qui fournil l'eau à la ville entière de Sassari : fontaine curieuse, décorée du nom de Rose!, et dont la magnificence relative, célèbre dans toute la Sardaigne, a donné lieu à ce dicton d'une vanterîe pompeuse et espagnole : Chi non vide Rosel, non vide mondo. C'est un vaste parallélogramme de pierres, espèce de tombeau construit pour un géant, portant sur cha- cune de ses faces une rangée de mascarons qui font jaillir du fond de leur gueule béante une eau fraîche et limpide. Tout à l'entour se pressent et s'agitent les porteurs d'eau, occupés à remplir de petits tonneaux ou des outres qu'ils placent sur le dos de ces ânes mignons, particuliers à la Sardaigne ; puis, remontant par un chemin taillé en degrés dans les flancs de la colline, ils vont vendre cette eau aux maisons de la ville. Du pied de la fontaine s'échappe un gros ruisseau, au bord duquel s'ébattent et babillent de joyeuses lavandières. Grâce à la fertilité de ses compagnes et à la variété de leurs productions, grâce aussi à la nature active et intelli- gente de ses habitants, Sassari est, après Cagliari, la ville, de beaucoup, la plus importante de la Sardaigne. Déjà des exploitations agricoles, parmi lesquelles on peut citer l'éla-