Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
[ Revenir aux résultats de la recherche ]
page suivante »
                 LETTRES SUR LA SARDAIGNE.                   347
tenlion peu justifiée. La peinture est peut-être un peu comme
la musique : pour la juger et la comprendre , pour percevoir
les sensations infinies qu'elle procure , l'esprit doit être pré-
paré et ouvert par une étude et un exercice préalables. Mon
jeune docteur devint mon guide fidèle, et ce fui, en sa com-
pagnie, que je visitai Sassari et ses environs.
   Après avoir traversé le village de Toralba , et franchi les
derniers sommets des montagnes du nord, on entre dans les
jardins d'oliviers et d'amandiers , dont le feuillage , pâle et
chenu, abrite le voyageur jusqu'aux portes de Sassari. Sur la
pente onduleuse d'une colline, qui vient épancher ses ombra-
ges dans une plaine , semblable à une mer de verdure, s'élè-
vent les maisons enluminées et les clochers trapus de la capi-
tale du cap supérieur. Au loin, l'œil aperçoit la ligne bleue
et inflexible de la mer , quelques ilôts épars sur les eaux, et,
parfois visible, dit-on, aux bords du ciel, une côte brumeuse et
incertaine : c'est la Corse.
   En entrant dans la ville, on rencontre d'abord une place
spacieuse , rendez-vous matinal de tous les approvisionneurs
venus des environs. Là, à travers des montagnes d'oranges ,
d'herbages et de venaisons, fourmillent, se heurtent et se
croisent les corsages écarlates, les vestes en peau de mouflon,
les manteaux superbement déguenillés, les tournures cam-
brées , les figures mâles et biluminées par le soleil et la mi-
sère , les barbes en broussailles, et les cheveux dénoués, ruis-
selant en noires ondes sur des épaules d'ivoire : c'est un spec-
tacle étrange et pittoresque.
   Au sortir de la place, on descend une rue rapide et d'une
largeur suffisante, qui traverse la ville dans toulesa longueur,
et aboutit à une porte de pierres,antique et pantelante, s'ou-
vrant sur la route de Porto-Torres. Celte rue, c'est le Corso
de Sassari, c'est la ville tout entière ; quelques ruelles ouvrent
bien çâ et là leurs entrées désertes , quelques maisons éga-